15-12-1960

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Au journal, revu Dante après quelques semaines d’absences dudit (le film, montage avec Chris, post-synchro). Pas de nouvelles d’ailleurs, sinon par raccrocs – à l’occasion d’un coup de fil de Mme U pour la publicité du film. Sentiment désastreux de mon inutilité, aggravée par la « gentillesse » trop visible de D. – quelque chose comme : « Tiens, il y a longtemps que je ne lui ai rien dit. Ne le laissons pas tomber, etc. » Et proposition de nouveau de faire les sous-titres – ce que j’ai refusé. Souvenir du jour où, me présentant à sa porte pour lui donner un conseil (au moment de la disparition de D. D. et de l’arrestation de quelques-uns), j’entendis à travers la porte sa voix excédée qui me reprochait la nullité des textes de dialogue que j’avais rédigés deux ou trois jours avant. Sa gêne, lorsqu’il m’ouvrit, craignant que je n’aie entendu, surtout lorsqu’il connut le motif de ma venue – motif altruiste, d’amitié pure.
Un peu après, le lendemain ou surlendemain, il abordait franchement le sujet, ce qui est rare de sa part : « J’ai l’impression que quelque chose ne va pas entre nous. » Il désirait savoir, au fond, si je l’avais entendu ou non. Je dis que j’avais entendu. Explications réciproques. Ce n’était pas ce qu’il voulait dire. Je lui dis que son attitude était d’autant plus blessante qu’il connaissait mieux que quiconque ma modestie à l’égard de l’œuvre, de l’écriture en général, ma véritable humilité : que donc, il pouvait me parler à cœur ouvert des textes contestés mais non s’enrager seul contre moi, etc.
Sentiment hier que l’amitié a pris un tournant mauvais, mais décisif. Constaté que l’amitié pouvait faire souffrir comme l’autre chose. Amitié d’esclavage – dont la rupture ne peut me nuire en ce qui concerne l’essentiel, le but de ma vie – au contraire, je crois. Un dénouement.