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1963

Pierre Joffroy était son nom de plume. Maurice Weil celui de l’etat civil.
Né en 1922 À Hayange  en Moselle, il monte à Paris en 1945 après être passé par Lyon où il s’était réfugié en 1941, rejoint plus tard par son frère Gilbert .
Entré au Parisien Libéré dès son arrivée dans la capitale il réalise un de ses premiers reportages en s’embarquant sur un « rafiot « chargé de juifs européens  rescapés des massacres nazis.

Ici commence l’histoire des carnets dont certains disparaissent à l’occasion de ce voyage en terre de Palestine en 1947.
Il s’agit d’un petit agenda (un par trimestre) sur lequel il note rendez-vous, rencontres, conversations téléphoniques, lectures, sorties, projets et ceux de ses amis.
Le format n’autorise pas le développement comme encore moins les épanchements (même si on trouve quelques cris du cœur).
Ces carnets pourraient être (sont) comme une gigantesque table des matières d’un livre à venir, un vaste index qui renvoie à autant de pages qui ne sont pas encore écrites.
Au commencement était le verbe. Reste à trouver la suite.
À vous de lire ce projet de « livre total » .
À vous de nous donner des informations complémentaires que la lecture de Ces 20 premières années (1947-1968) vous inspire.
La suite, 1968-1980, puis 1980-2000, paraîtra dans le courant de l’année 2021.
Les carnets n’avaient jamais été lus, ni déchiffrés avant 2008. Ils ont été photocopiés puis déposés à l’IM.C.(Institut Mémoires de l’ Edition Contemporaine) avec les archives de Pierre Joffroy où ils peuvent être consultés.

2 janvier 1963

Papier bilan 62 paru. Les noms de Chris, Gatti, Boulez, conservés – mais celui de Bernard a sauté.

egoflash : I-63

4 janvier 1963

Studio Publicis : le Procès. Tout Kafka et tout Welles. Ce beau film n’avait pas que des amis dans la salle.

5 janvier 1963

Vialatte a vu deux fois le Procès. « C’est bon », dit-il. De sa part, le compliment va loin.

7 janvier 1963

1ère réunion chez Therond des « signatures » (Reyer, Ferran, Heimer, Clerc, Maugé et moi). Rien de saillant.

10 janvier 1963

Chez Danielle, thé. Contente des nouvelles rapportées par Ulrich. Parlé western avec elle et Stéphane (rentré malade des sports d’hiver). Irruption et numéro de Paule, avec sa fille enceinte (qu’elle pousse, paraît-il, à se faire avorter parce que l’enfant ne serait qu’un « catholique comme son père » !).

12 janvier 1963

Chez Danielle pour y voir Ulrich – un peu moins agaçant qu’à l’habitude et très content de Dante -, Bellour – très mécontent de J.J. qui ne lui a pas donné de papier pour sa revue, et Bernard – très content d’avoir presque fini les 20 tableaux pour « l’œil » et très inquiet de ce qui viendra ensuite (« Je ne sais plus du tout ce que je vais faire. C’est le degré zéro »).

14 janvier 1963

Téléphone ambassade de Cuba : les visas sont là ! Depuis des semaines probablement. 2e conférence des « Intellectuels » avec Thérond. Proposé Cuba, donc. On étudiera.

15 janvier 1963

Déjeuner au studio Boulogne avec Chris qui y monte « Le Joli mai » (on y fait aussi un film américain le Grand duc et M. Pinon, avec G. Grant). Vu la deuxième partie de Joli mai. Très beau. Chris incertain – à cause de sa longueur (3 h 28), de la censure (Algérie, torture), mais content tout de même.

17 janvier 1963

Coup de fil de J.J. Il a travaillé au Macbeth et va écrire à Cuba. À l’ambassade, ils disent à présent qu’il n’y a pas besoin de visa.

19 janvier 1963

Parti pour Hayange.

28 janvier 1963

A Vincennes, fort neuf, dans une salle de briefing, procès des « tyrannicides » (l’attentat du Petit-Clamart). Numéros habituels de Tixier, Isorni, etc.
Bonne critique pour « la Femme sauvage ».

29 janvier 1963

Audiences pour rien. La tactique des avocats du FLN.

30 janvier 1963

Deux audiences pour rien encore.

31 janvier 1963

Le procureur Gerthoffer remplace l’Avocat général Sudoka : du coup, on lit l’acte d’accusation. L’après-midi, on passe à l’interrogatoire de Bertin, le plus jeune et le plus insolent : « J’ai fait mon devoir ; faites votre métier ».

1er février 1963

À Vincennes, les autres qui défilent, leur petit papier à la main. Un qui étonne, Varga, le Hongrois ; un qui parle vrai, Prévost, le reste… Bougrenet de la Tocnaye, ignoble petit coq raciste et dément.

2 février 1963

Coup de fil à Agnès Varda, retour de Cuba. A donné des photos à PM, voudrait que je veille sur les chapeaux et légendes. Gatti en plein délire, selon elle. Absent au procès. B.T. (Bastien Thiry) parlait.

4 février 1963

Pas d’audience : Bastien Thiry malade. Nouvel incident à Vincennes, procès remis à demain : Me Isorni sera jugé pour insultes à l’un des juges (par le moyen d’une lettre lue à l’audience).
Vu Danielle chez elle avec sa grand-mère (Cuba : ça dure, les Cubains furieux contre Dante, etc.).

6 février 1963

Procès Isorni : il est défendu par Tixier. Isorni termine en évoquant les ombres illustres qui l’escorteront. Puis, refile les feuillets à Théolleyre pour l’édition du Monde.

7 février 1963

Audience rapide : ajournement à lundi pour permettre au pontifiant remplaçant d’Isorni de consulter son dossier.

8 février 1963

Avec Danielle, Bernard, les Gilbert et Beï, au Récamier. « La Femme sauvage ». C’était une des dernières représentations. Pas convaincant. Le texte plus beau que ce qu’on entend et voit là.

9 février 1963

Chez les Diwo. Il y avait les Corvol (lui, prospère et la peau neuve, elle, burinée par l’âge) et Alexandre Vialatte, doté d’un nœud papillon du plus gracieux effet.

11 février 1963

Reprise du procès. Bastien-Thiry achève d’expliquer « l’enlèvement » du général de Gaulle – un roman feuilleton mais écrit par un X. Puis, les avocats tentent encore de faire reporter le procès jusqu’après le vote de l’Assemblée de la loi prévoyant le maintien de la Cour au-delà du 25 – et, éventuellement, la possibilité d’un pourvoi en cassation.

12 février 1963

Vincennes. Témoins : Bouvier, commissaire, Bastien-Thiry soutient que son plan était merveilleux.
A 6 h, à l’Oeil, rue Séguier, le vernissage Saby. 2 petites salles, 1 grande. Grande beauté des derniers. Vu Michaux, Paule Thévenin. Bernard : « Je suis dans le brouillard depuis ce matin ».

13 février 1963

Neige. Témoins à Vincennes : le gendre de de Gaulle, le chauffeur, des psychiatres. Vu à 15 h Mme Bastien-Thiry avec ses 2 enfants, cours des Maréchaux, revenant de la visite sous la neige et lettre d’insultes de Bougrenet « virtuel condamné à mort ».

14 février 1963

Tixier proteste en début d’audience contre les attaques du ministre de la Justice hier à l’Assemblée. Puis, les témoins, amis et harkis.

15 février 1963

Défilé de rapatriés que les avocats tournent et retournent, avec sadisme. Ils en voudraient toujours plus : du sang, du sang pour en éclabousser le tribunal, de Gaulle… France-Soir : « Nouvel attentat déjoué contre de Gaulle » (8 colonnes).
Ecrit papier sur Bastien-Thiry et Bougrenet.

17 février 1963

Coup de fil de Jean Michaud, retour de Cuba. Restent là-bas, outre Gatti, Monloup, Bouise, la monteuse et le cameraman. Relations très tendues avec les Cubains. C’est Dante, paraît-il, qui s’est opposé au visa – croyant que Camus devait venir seul. Mais pourquoi le croyait-il ?

18 février 1963

Papier pas passé : photos du nouveau complot. Vincennes : débat tardif. Discussion probable sur les incidents de samedi entre Floch, procureur adjoint et l’avocat Dupuy. A l’ouverture, en effet, on parle de duel. Puis, B.-Théry attaque Europe n° 1 (Besançon), le Figaro (Robinet, Brisson mais pas Coquet). Lettre de Groussard qui a fait samedi l’apologie de l’OAS et a eu un incident dans la cour avec un confrère. Il me demande le nom dudit et se dit déchiré par les événements : « Je souffre beaucoup ». Répondu. J.J. dîne rue Custine. Il repart demain pour Lyon. N’a pu voir l’expo Saby.

19 février 1963

Pas d’audience ce matin, le procureur empêché par la neige. Une vraie tempête. Laissé la voiture. Emmené à Vincennes H. de Bourbon voir les derniers témoins. (B.T. a encore parlé de vétilles.) Envoyé lettre réponse à Bougrenet.

20 février 1963

Vincennes (dernier témoin : un détenu OAS, Ziano, torturé par les « barbouzes » – et les avocats pris en fourchette par le rapport sur la fusillade du 26 mars qu’ils avaient eux-mêmes réclamé).

23 février 1963

Audience à Vincennes : audition de journalistes, dont Besançon, d’Europe n° 1. Au journal ensuite, je trouve une lettre de Bougrenet – dont l’humilité me touche (un coup de la solitude, la recherche désespérée de dialogue).

25 février 1963

A Vincennes, l’après-midi, réquisitoires de Gerthoffer qui réclame deux peines de mort (ou 3, avec Buisines) et 4 par contumace. Prévost : perpète, Varga : 20 ans.

26 février 1963

Chez Danielle où se trouvaient la grand-mère et la cousine Marthe Martel. TVB.
Arrestation rocambolesque d’Argoud, membre influent du CNR : retrouvé ligoté dans une camionnette près de Notre-Dame.

27 février 1963

Les plaidoiries devaient commencer aujourd’hui. Mais l’histoire Argoud les reporte à demain : à la demande de Tixier, un membre de la Cour entendra le colonel-saucisson.

28 février 1963

Même scénario à Vincennes, on plaidera cet après-midi. On a plaidé. Un marathon de paroles – le talent confondu avec son absence, pêle-mêle (Me Gibaut, Cathala, Zygeti).

1er mars 1963

Vu « la Jetée » de Chris à Publicis avec les amis et les acteurs (Ulrich, les Klein, etc.)

2 mars 1963

Vincennes le matin : deux avocats pour Buisines, un autre pour Bougrenet. Le reste plaidera lundi. (Il n’y a pas de journaux demain.)

4 mars 1963

Vincennes l’après-midi. Tixier plaide, assez mal. Trois heures de délibéré. à 10 h 30 le verdict : B.T., Bougrenet et Prévost condamnés à mort. (Pour Prévost, l’avocat général ne l’avait pas demandée.) Des cris de Mme Bougrenet : Assassins ! Dehors, des sympathisants qui applaudissent le convoi en route pour Fresnes et la Santé.

13 mars 1963

Travaillé papier pour Croizard. Les mineurs de fer de Lorraine venus en voiture (300) à Paris, sur l’esplanade des Invalides : délégation au ministre. La grève continue.

14 mars 1963

Menant a reçu une lettre de l’OAS, lui enjoignant de quitter Match sans délai – le double à l’administration.

15 mars 1963

Calder m’envoie le catalogue de son expo à New York à Park Galleries, à partir du 9. T.V. ce soir : portrait souvenir de Claudel (II) suivi de « Lettre de Sibérie » (qui tient bien à la seconde vision).

16 mars 1963

Dans le Figaro, 3 colonnes p. 8 : « Le prince Nicolas Obolenski prêtre orthodoxe ». Il est ordonné demain rue Daru. Nouvelle lettre style OAS.
Téléphone Chris Marker. Demande qu’il voie Resnais : PM propose à celui-ci une mise en page du Radeau de la Méduse.
Chez Danielle. On attend le maigre Dante. Bernard a vendu toutes ses toiles : Pompidou, Rheims en ont acheté et Lazareff.

17 mars 1963

Rue Daru, à l’église russe : ordination de Nicolas. La grande foule. Félicité Obo. Il viendra nous voir un de ces jours, dit-il.

18 mars 1963

2e lettre OAS à Menant. D’après le ministère de l’Intérieur, ce serait le successeur de Sergent qui écrirait ces poulets. Le journal n’a pas passé son dernier article (une enquête sur l’OAS).

19 mars 1963

Papier bleu de Tixier-Vignancour à Menant. « Il n’a pas offert son service, dit-il, à Argoud ».

21 mars 1963

Dante rentre samedi, peut-être.
Av. de Wagram pour y voir, invité par Janine Bonnardot, distributrice, le film soviétique « 9 jours d’une année ». Moyen – mais le sujet intéresse. Vu Aragon et Elsa, bien anciens à présent.

22 mars 1963

J.J. à Paris demain. Vu Sabathier qui ne boit plus, dit-il, qui espère ne plus boire, qui le veut, qui le crie. Chris, Prix Jean Vigo pour « La Jetée ».

23 mars 1963

Reçu Edith Sorel, de Revolucion, vue au procès Eichmann. Nouvelles fraîches de Dante et de Fidel.
Menant : d’autres lettres. Il commence à les trouver saumâtres. Au Lyonnais, rue Saint-Marc, dîner avec J.J. et les Aster. J.J. n’a encore rien fait sur « Macbeth » (pour Dante).

24 mars 1963

A 10 h au Panthéon : sur une bouche de métro 4 clochards festoyaient. « Salut, frère ! » m’a crié l’un d’eux.
Au cinéma, tous les amis de Chris pour voir « le Joli mai » (3 h de projection). Vu dans la salle et sur l’écran : Bernard, Danielle, Resnais, Rouch, etc. La séquence Saby – J.J. a fait rire. Je soutiens que Chris ne l’a pas fait exprès. Gisèle Aster n’est pas de cet avis. Grande foule et grand succès. Coup de fil de J.J., attristé par les réactions de la salle. Il va écrire à Chris.

25 mars 1963

Chris à déjeuner. Interview pour un éventuel – mais encore improbable – papier dans PM. Je lui parle de la séquence Saby. Il voit deux solutions : 1) conserver la chose dans la version rive gauche et l’ôter dans la version rive droite ; 2) la faire sauter complètement. A J.J. de voir.
Premier numéro de PM avec 32 pages couleurs et un nouvel essai de « Match du monde », « le monde en marche ».

27 mars 1963

L’Autre Cristobal sélectionné pour Cannes. Fait papier Chris.
Saby m’apprend le retour de Gatti ce soir. Domaine musical.

28 mars 1963

Allé voir Dante à 10 h. Il dormait. Retour à 14 h. Il déjeunait en famille, barbu et bronzé. Photos, projets. Après viennent Ulrich et le directeur de production. Cadeaux : cigares, poupée et disque.A.P.blicis, un film de B. Blier : « Hitler… connais pas ! ». Intéressant.

1er avril 1963

Un mois de grève des mineurs.
Vu Menant, retour d’Israël (un papier non paru sur les savants allemands qui arment l’Egypte en fusées et en atomes). Le S.R. israélien fournissait le dossier.

3 avril 1963

Menant a vu l’ambassadeur d’Egypte à Berne pour essayer d’obtenir l’autre partie du dossier – objectivité !

4 avril 1963

Vu Strogoff – qui rentre en URSS pour quelques mois, dit-il, voudrait faire passer un article sur l’antisémitisme en URSS.
Théâtre de Paris : Saint Genest de Rotrou, par la Cie de Vigoureux Rodriguez. Chris était là. Hélène Châtelain sur la scène. Une salle d’invités, odieux : rires, bavardages…

6 avril 1963

Grande nouvelle : un fil téléphonique direct entre les deux K – pour éviter la guerre atomique par erreur.
Coup de fil de Chris sur St Genest – qui l’emballe – et le film de Dante qui l’inquiète.

7 avril 1963

Travaillé plan Alcatraz.

8 avril 1963

Vu Danielle dans l’après-midi. TVB, sauf une légère angoisse pour le proche avenir (après le film ?). Chris a vu Dante. Monloup loge dans l’ancienne chambre de Dante, pendant son séjour ici.

9 avril 1963

Monloup chez Danielle, de là à Saint-Cloud (LTC) vu le montage. Puis déjeuner de 1h 30 à 5 h dans un bistrot. Parlé de tout.

11 avril 1963

Avec Dante, Monloup, les monteuses et Charvein, projection de « Cristobal ». Montage à peu près fait : emballé ! Au retour, dîner chez Danielle où se trouvait Bernard que j’ai ramené – assez fatigué.

14 avril 1963

Déjeuner chez les Gatti avec Monloup. Exposé par Dante du sujet de « la Chouette » (l’égoutier Cotinet).

17 avril 1963

Flamand du Seuil pas d’accord pour la SS de Dante. Il parle d’ardoise.

18 avril 1963

Revu papier Henriette Chandet sur Delacroix. Chez Danielle : Dante à LTC. Complications toujours avec les Cubains, Ulrich…

19 avril 1963

Julian Grimau, communiste espagnol, condamné à mort pour des faits de 1936 !

20 avril 1963

Franco fait fusiller Grimau. Khrouchtchev, Feltin, la reine Elisabeth de Belgique avaient intercédé, en vain. Race de fusilleurs !

21 avril 1963

Visite à 5 h de Monloup. Parlé du film. Mack a répondu au télégramme de Dante. Il tâchera de revenir en France vers septembre. Ulrich se décide à continuer (après avoir arrêté).

24 avril 1963

Concert du Domaine : Schonberg, Boulez, Xenakis et un Polonais. Le pianiste de Xenakis, 17 ans, a fait sensation. Vu Souvt ensuite ; le gosse est son protégé. « Il a du génie ». Carte de Kateb (en Italie) qui me donne RV en Algérie.
Papier sur Gatti et Cristobal dans le Figaro littéraire.

27 avril 1963

Vu Danielle qui me demande de pousser la publicité de « Cristobal » (malgré Ulrich). Téléphoné à Dante à ce sujet, décidé qui avertir.

28 avril 1963

8e année de mariage. Émission religieuse à la TV sur le ghetto de V. Larmes. À déjeuner, le « professeur Thibault ». très curieux des mœurs de B.S. Ce qui me rend très anxieux à mon tour.

1er mai 1963

Allé prendre Dante et Monloup. Déjeuner rue Custine. Ramené bd de la Bastille. La mère de Danielle est là. Ensuite, rue Montpensier 36, chez Cocteau. Son fils adoptif me reçoit dans la petite pièce voisine. Une heure. Après, à 6 h, au Biarritz : « L’Ange exterminateur » de Buñuel. Oppressant, mystérieux. Ensuite, travaillé papier Cocteau.

2 mai 1963

Vu Hervé Mille qui m’inscrit sur la liste des souscripteurs de l’épée de Kessel.
A Saint-Cloud, déjeuner Gatti et Monloup – puis projection du générique. Arrive Ulrich, le visage contracté (de plus en plus). Toujours des histoires. Vu Selma, la Cubaine arrivée hier.

7 mai 1963

Vu André Michel, metteur en scène, qui veut tourner un film sur Jean Moulin, chef de la Résistance. Il me propose le scénario à faire, si les producteurs sont d’accord.

8 mai 1963

Allé à Saint-Cloud où le Dante continue de travailler dans l’énervement et les colères (la guerre cubano-ulrichienne, négatif pas encore là, etc.). Décidé du départ pour Cannes de l’équipe de base : Monloup, Maïté, Mack et moi – puis, Dante. Il y aura de l’hébergement au Carlton ou chez Caillaud – mais le tout bien vague.

9 mai 1963

Fait contretyper les photos de Cristobal. Il y en a pour plus de 1 000 F !

10 mai 1963

Pour « Joli mai », presse très favorable – sauf le Figaro littéraire, trop gaulliste pour l’aimer. Nouvelle scène entre Eddy et Dante à propos de la coupure voulue par le premier et que le second n’accepte pas (celle du délégué du « Nord »).

12 mai 1963

Avec Ariane chez Gatti, encore dormant. Le film est fini. Emmené Annelaure rue Custine déjeuner et passer l’après-midi. Finale de la Coupe (Monaco – Lyon). Gatti attend la victoire de Monaco – qui signifie quelque chose pour lui (d’un point de vue superstitieux, juste avant Cannes !).

13 mai 1963

Saint-Cloud : trouvé Dante attablé avec Maïté, Monloup et Bouise arrivé de Cuba. Dispositions prises pour le voyage.

14 mai 1963

Mort de P. Courtade – souvenir de la Libération et coup de fil de Tania Krichberger : « Je vieillis doucement », dit-elle.

15 mai 1963

Partis à 8 h. Avignon 21 h, avec Maïté, Bouise et Hubert Monloup, Maïté conduisant après moi. Pluie tout le long de la route. Hôtel Crillon.

16 mai 1963

A midi, au camp Robert où nous prenons l’apéritif avec les Woignier (grande discussion politique). À Cannes, vu les Diwo, puis la carte d’entrée. Puis, Monaco, où je largue chez Caillaud les 3 zèbres – dont un Monloup pâlot, éprouvé par les mauvais repas et les lacets de ce voyage dégueulasse (J. Bouise). À Grasse, à 9 h du soir, toujours sous la pluie.

17 mai 1963

Soleil. Promenade dans Grasse. L’après-midi, réception de « 7 Jours » avec tous du festival de TV. Vu Chalais, de Caunes, Droit et mes trois passagers. Ensuite, avec S. Yelin, représentant cubain à Cannes, nous voyons « The Sporting Life », moyen. Ramené la bande à Monaco. Retour à 2 h 30, pas dîné.

18 mai 1963

R.V. au Gourmet avec les Diwo, Yelin, les 3, puis dîner à Nice, aéroport, arrivée de Dante avec Guevara et la caisse contenant le film. Le Monde parle du scandale déclenché par Eddy Ulrich désirant s’approprier le film (pour le couper) ; grève de la faim de Dante, etc. Aperçu Eddy, raide et compassé sur la Croisette. Le soir, à la terrasse, avec la bande, Colpi et des confrères niçois.

19 mai 1963

Laissé la voiture aux 3. Maïté vient me prendre à 2 h. Projection privée de Cristobal dans la petite salle presque vide, hors Gatti, nous, Chris, Rochefort, Guevara et Yelin et Erlanger, ponte du festival venu se rendre compte. Après, Erlanger les bras au ciel, cachexique ; Guevara ravi. Au stand du Palais avec les 3. De là, à la gare, saluer Diwo, puis dîner au Blue Bar.

20 mai 1963

Le stand terminé ne désemplit pas. Arrivée de Bestina, la Vierge du film. Dans la petite salle, tous à une projection de Cuba Si et de La Jetée. Dante a appris qu’Eddy et son affidé cherchent à braquer les Américains contre le film. Il finit par les rencontrer. Colère et rage. Rien de rassurant. Il est inquiet. Il boit, se soûle de paroles, téléphone à S.

21 mai 1963

Retrouvé les 3 au stand, attendant Dante. Arrivent Ulrich et Maestretti. Bouise et Hubert viennent à eux. Ulrich à peine poli parle de menaces. Puis Dante surgit qui annonce : Ulrich a envoyé du papier bleu menaçant le film de saisie si son nom n’est pas cité. Ecœuré, Dante file avec moi à Monaco chez les Caillaud. Il rend visite à l’oncle Joseph, pendant que j’attends chez Colette et la suédoise au pair – puis, dîner au Pirate, cap Martin : la danseuse espagnole engagée dans le prochain film.

22 mai 1963

A 10 h, descendu à Cannes. La procédure Ulrich : annoncer que le film est produit par lui ! Arrivée de Sarrazin, du Grenier de Toulouse (il monte les « Chroniques »). Il déjeune avec Dante. Projection de 3 h avec la jeune fille de chez Caillaud et J. Michel, à côté de Claude Mauriac qui n’y comprend rien. Rires, réflexions, aveux d’incapacité, c’est la salle, à la fin mélange de sifflets et d’applaudissements. Conférence de presse : Ulrich envoie l’huissier. Enorme brouhaha. Incidents. A 8 h tout le monde en pingouin – sauf Gatti et moi. Nous attendons la sortie. Arrivée de Selma. Fin de la soirée au « Pirate » avec les gitans.

23 mai 1963

Déjeuner chez la mère Besson avec tout le monde. Dante reste avec un journaliste. Nous assistons à la projection de « 8 ½ » de Fellini (merveilleux film). Puis, avec Mack, Selma et Dante promenade en bagnole vers la Napoule. Après, salué sur le quai de la gare J. Michel. Dîné à Nice, à la Treppa : Mack, Monloup, Lulu, Dante, Selma, Charvein et Maïté. Palmarès sans surprise – sauf « Joli mai », prix de la critique. Les journaux mauvais, sauf la gauche et les locaux. La presse italienne invective Gatti.

24 mai 1963

Parti de Grasse à 9 h 30. Hôtel des Orangers où l’on se sépare de Gatti, Selma, Monloup, Lulu et Mac en partance pour Toulouse dans la voiture de Lulu. Dans Nice Matin, le Prix de la presse de cinéma est donné aux Abysses, « suivi de l’Autre Cristobal ». Surprise générale. Est-ce que ça veut dire ex æquo ?
Avec Maïté et J. Charvein roulé toute la journée. Soleil. A Chalon à 8 h 30, où l’on dîne au couvent des dominicaines (la tante de Maïté en est la supérieure, ou l’a été). Puis, hôtel Terminus, là où j’ai dormi après Autun ! Réduit n° 52.

25 mai 1963

Paris. Conduit Charvein puis Maïté bd de la Bastille. Danielle absente.

26 mai 1963

Avec Ariane chez Danielle. Maïté là. Parlé de Cannes. Danielle contente que Dante ait bien encaissé son échec. Paroles étranges sur la séparation nécessaire avec lui – concordent avec celles de Dante lui-même il y a quelques jours (about Selma). Elle cherche du travail et un appartement moins cher.
Coup de fil de Chris ; il est à Mosnes en Touraine. Demande des précisions sur Cannes. Doit-il venir ? Il possède un protocole Gatti–Eddy au sujet du film. Lui conseille de rester – en attendant le retour de Dante.
Téléphoné à Bernard. Il est d’avis qu’il faut trouver le plus tôt possible du travail à Danielle.

27 mai 1963

Corvol, m’a-t-on dit, a donné sa démission du P.L. Un geste de grand seigneur – pour quelqu’un qui attendait plutôt ses indemnités.
Coup de fil de Danielle qui croit facile – et le prouve – d’échanger l’appartement contre un plus petit. Cdf d’A. Michel (scénario Jean Moulin).

30 mai 1963

Rue Delambre au 22, dans un atelier, exposition d’Otero – et de deux filles.

31 mai 1963

Visite à Danielle. Encore question de la séparation.

1er juin 1963

Chris prend le soleil. Hélène Châtelain ensuite. Prêté René Leys à Chris. Parlé de Dante, d’Ulrich, de Joli mai. Le pape se meurt. Gros titres…

3 juin 1963

Jean XXIII mort ce soir.

6 juin 1963

Coup de fil de Gatti, revenu de Toulouse et Lyon. Débrouille l’écheveau Cristobal. Voudrait qu’on travaille la Chouette.
Accepté scénario Jean Moulin.

8 juin 1963

44 rue de Rennes, expo photos sur Cuba organisée par Edith Sorel. Vu les Klein, Joris Ivens, Selma (qui me dit que Dante est malade et ne viendra pas) et part avec Agnès Varda. Bavardé avec l’ingénieur du son du film (« Ulrich m’a dit que le film serait remonté par Chris Marker », confie Agopiel). Vu aussi Guevara.

9 juin 1963

Bd de la Bastille. Vu Danielle et Monloup, puis Dante qui se reposait. Parlé du film de J.J. à qui il a dicté n° par n° le script d’un film sur les canuts, de Jean XXIII que Fidel devait rencontrer au Vatican à son retour d’URSS, du parti cubain et de son mode de recrutement (le peuple élit les membres du parti – qui ne sont plus choisis par le sommet).
Situation cristobalienne : 1) Les Cubains emportent le film. Si Dante désire faire des retouches, qu’il vienne à La Havane. 2) Ulrich raconte partout que tout va s’arranger, que Chris fera un autre montage, que lui n’a rien contre Dante, mais hier, dans une projection d’Ivens, il a filé dès qu’il a vu Dante. Crainte de recevoir un coup de poing sur la gueule – ce que Dante se sentait sur le point de faire. 3) Dante attend qu’Ulrich le contacte. Il y est obligé : « Ce sera tout » dira-t-il pour terminer le film et l’affaire.

10 juin 1963

Monloup au journal. L’ai emmené aux archives photo pour y voir la docu sur les bases de lancement de fusées (Chroniques d’une planète provisoire).
Avec A. Michel, chez M. Chavanne, producteur rue Mermoz. J. Martin ? On verra, dit-il. Faire un synopsis.

11 juin 1963

Maufrais au journal. Avec B. les « Abysses » de Papatakis. Très bon film mais les raisons du scandale m’échappent.

12 juin 1963

9 h 30 – 11 h 30 avec Dante, Monloup, Bouise, un journaliste, l’ingénieur Gratton et trois ouvriers, place du Châtelet : descente dans les égouts. Déjeuner avec Maufrais rue Custine. De là au journal puis, à Saint-Denis chez sa sœur : il me donne un hamac tissé chez les Trio au Brésil.
Un bonze se fait brûler vif à Saigon. (Persécution antibouddhiste.)
Coup de fil de Michaud : il est assistant de Daquin dans un film nommé « la Foire aux cancres »…

13 juin 1963

Prix FJA, Cercle interallié : Grulon, secrétaire, Wolf, Guillais et le père Helsey (que j’ai un peu engueulé pour avoir donné le Prix Londres à Victor Franco). Le FJA à J.P. Gauch pour un reportage sur les harkis. De là, chez Danielle où j’ai parlé avec Bouise. Coup de fil de J.J. Il a envoyé à Dante un premier projet de scénario.

14 juin 1963

Coup de fil de Chris : emballé par « René Leys » que je lui avais prêté à sa dernière visite.

18 juin 1963

Ce soir, concert Boulez : pour le cinquantenaire du Théâtre des Champs-Elysées, il dirige le Sacre. Ne puis y aller.

19 juin 1963

Gros succès du Petrus hier.
Reçu manifeste du TQM, protestant contre sa suspension et la passivité de son directeur ( ).
Chez Dante : la tribu s’est enrichie de Doudou Helman, retour du Ghana – et ce soir, il y aura Maïté. Dante travaille sur le Chouette qui progresse difficilement. R.V. pour l’usine de Clichy. Coup de fil André Michel. Demain, nous rencontrons le producteur Michelin, un débutant (mais pas dans le pneu). Jean Moulin ira au Panthéon, m’annonce, vibrant, Michel.

20 juin 1963

9 h 30, avec Dante, Monloup, Bouise, à l’usine de Clichy (arrivée des collecteurs, bassins de purification, etc.). Dante verra à midi Eddy.
16 h, rue Washington, la Casita, R.V. avec Michel et son nouveau producteur virtuel, un fils Michelin. Intéressé.

21 juin 1963

Montini pape. Tout le monde en dit grand bien. Je n’aime pas ce pape maigre et illisible.

22 juin 1963

Chez Dante. Il dormait. Vu Monloup : Eddy Ulrich s’et montré méprisant à l’égard du film. Rien n’est sorti, dit-il, de l’entrevue avec Dante. Serré la pince à Doudou. André Michel venu. Séance de dégrossissage du scénario. Nous avons tout sur J. Moulin. Il ne nous manque que J. Moulin : qu’est-ce qui a été le motif profond de son action ?

24 juin 1963

Coup de fil de Mack : demande heure de R.V. demain à la Bourse du travail. Parlé du film (Cristobal) ; il continue à négocier – sans avancer – avec Ulrich.

25 juin 1963

15 h Bourse du travail : vu le secrétaire du syndicat des égoutiers (Masson) et ses collègues – avec Gatti et Bouise (de plus en plus, l’agent de confiance du premier). Ils feront voir ce qu’il faut voir.

27 juin 1963

Téléphone Pottecher – pour son émission d’hier sur la relégation.

28 juin 1963

8 h 30 quai de Valmy avec Dante, Bouise, Monloup. Descente par un regard dans la vérité des égouts (plus rien de commun avec la visite touristique du Châtelet ou de Clichy). Les petites lignes, l’égout cercueil 1 h 45 de marche dans le sous-sol. Les bottes pesaient. La tête cognée sur les tuyaux.

29 juin 1963

Chez Dante – où le caravansérail se peuple toujours davantage : à Monloup, Doudou et Mack s’est jointe Isabella, femme de Mack. Vu Rosner, en partance pour Berlin avec Auguste G.
Apporté à Danielle une machine à écrire pour qu’elle apprenne…
Travail à emporter sur le scénario de la Chouette. Donné aux 3 R.V. égoutiers pour mercredi. Travaillé au scénario amorce de « J. Moulin » avec André Michel.

30 juin 1963

Travaillé matinée avec Michel. Terminé texte.

1er juillet 1963

Hier, de 6 h à 8 h ½, interminable couronnement de Paul VI à la TV.

10 juillet 1963

Allés voir passer le Tour de France au col de la Forclaz. La foule, la pluie, les transistors et les coureurs. Anquetil et Baha montés ensemble jusqu’au sommet. La poussette pour les autres qui la réclamaient, la langue pendante « Poussez-moi, poussez-moi ».

14 juillet 1963

Feu d’artifice à Barcelonnette.

19 juillet 1963

Lettre de Saul de La Havane. Ce matin vers 7 h un tremblement de terre : le lit bougeait, le volet battait, le murs de l’hôtel tremblaient. Quelques clients étaient déjà sortis sur leur balcon… grandes conversations sur le « cataclysme ». On cite les précédents.

24 juillet 1963

Lettre de Dante. Son scénario égouts entièrement remanié. Il me passera ça en août. (Aurais-je bien fait de ne pas travailler là-dessus ici ? Récompense de la paresse.)

31 juillet 1963

Retour Paris. À la maison, lettre de Maufrais.

1er août 1963

Lettre de Pékin, contenant une brochure : « Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste international ».
Vu Menant retour d’Amazonie. Parlé des Indiens, qu’il découvre – charmé, ému.

3 août 1963

Vu Dante – Bouise qui part pour Cuba (film russe à finir) et Hubert qui file à Berlin pour auguste G. Cristobal : accord de Dante sur quelques commentaires à ajouter. Ulrich toujours le même. Ensuite, au Jardin des plantes – portes fermées. Dante me donne le scénario nouveau de Cotinet – à compléter… Mort de Stephen Ward.
A la TV, extrait de Cristobal (l’enterrement de la Vierge) dans « Cinépanorama » de Chalais. Coup de fil de Hervé Mille : me propose de collaborer avec Marianne Oswald pour des biographies de résistants.

5 août 1963

Coup de fil d’A. Michel qui continue ses tractations financières pour « J. Moulin ».

6 août 1963

Vu J.M.S.L. Vu Gatti pour Cotinet. (Altercation entre lui et Danielle sur les visiteurs et hébergés.)

7 août 1963

Vu Mille – pour TV sur la Résistance. Coup de fil de Bernard à propos des Gatti.

8 août 1963

Un train postal pillé en Angleterre : des milliards raflés.

9 août 1963

3 milliards et demi !
Bernard à déjeuner.

14 août 1963

Bd de la Bastille : Dante a rasé sa barbe ; pour lui, le film est fini – encore que l’Ulrich ait arrêté tout une fois de plus. Vu le projet de décors monloupien pour les « Chroniques ».
Déjeuner chez Joseph avec Mille et Marianne Oswald. Parlé de l’émission sur « les héros de la Résistance ».

20 août 1963

Coup de fil de Danielle : travail, logement, en bonne voie. Dante à Toulouse trouve des difficultés.

25 août 1963

Coup de fil de Marianne Oswald (pour RV en septembre) et de Danielle.

26 août 1963

Dîner avec B. chez Danielle, plus Bernard, Toussaint et Bouise retour du Havre (son père est mort). D. va changer d’appartement : rue Ste-Anne, elle ne paiera que 400 F par mois contre 1 200 ici. Parlé surtout de Collin et de Match. Hubert parti aujourd’hui pour Berlin en 2CV.

27 août 1963

Passé voir Danielle qui fait ses malles. Bouise part pour Lyon. Coup de fil de Chris, retour du cercle polaire et d’URSS.

28 août 1963

Grande marche de la Liberté à Washington (200 000 noirs). Coup de fil de J.J. Il part pour Moscou et Berlin (Cie Planchon).

3 septembre 1963

Danielle a déménagé hier rue Sainte-Anne.

4 septembre 1963

Visite à Danielle dans son nouvel appartement 65 rue Sainte-Anne. Grand et noble (ancien appartement de Masson).
Coup de fil de Bouise de Toulouse ; demande pour la pièce deux photos : Himmler et CRS en action.

5 septembre 1963

Envoyé photos.

9 septembre 1963

Dîner chez Nadia Goutal, ex Nosovitch : Nicolas prêtre nous y attendait en soutane. Peu parlé de lui et beaucoup de choses et d’autres avec les autres, dont Goutal, déménageur et collectionneur de tableaux bitumeux, un de ses amis peintre bourré de théories et l’inévitable jeune fille au pair – scandinave – des couples aisés.

11 septembre 1963

Vu Hervé Mille, puis J.J. Servan Schreiber de l’Express – pour préparer annonce publication d’un texte de J. Roy sur Dien Bien phu. Déjeuné en ville. A. Chausson envoyé par Gisèle Tavet, toujours aussi infâme.
Travaillé à l’Express avec JJ-SS. Vu Françoise Giroud (déjà vue au procès Salan), Derogy and Co. Quitté PM tard. Lisant dans le Mercure des hommages à Sylvia Beach.

16 septembre 1963

Carte de Danielle et Bernard qui sont dans les Alpes (pour ramener les mouflettes). Lettre de remerciement de Servan-Schreiber.
Coup de fil de Dante : je n’étais pas là. Il veut que Chris vienne à Toulouse. Transmis. Coup de fil de J.J. retour de Moscou et Berlin, qui me met en contact avec une berlinoise laquelle veut un texte pour Auguste G.

17 septembre 1963

Coup de fil de Danielle : elle ramène les gosses. Stéphane a été opéré. Dante part pour Cuba le 20. Elle cherche du travail. Ecrit petit texte Berlin.

25 septembre 1963

Chez Danielle. L’appartement en ordre, très confortable finalement. Bernard à une table dessinait au son d’un transistor beethovenien le matin. Il viendra à Toulouse avec Chris, je pense.
Délégation des reporters (Menant, ) pour réclamer une augmentation générale que les photographes ont eue (n’ai pas fait partie de la délégation pour ne pas l’affaiblir : mon salaire élevé, une récente augmentation). Menant : « V. Franco veut entrer à PM ; il est navré de l’incident qu’il y a eu entre vous : un malentendu ! » Tu parles !

30 septembre 1963

Bernard ne viendra pas à Toulouse.

2 octobre 1963

Paris – Toulouse de 7 h à 8 h du soir avec Chris, Hélène Châtelain et Annick Michaud. Pluie, pot d’échappement crevé…
Répétition au Capitole. Eclairage pas réglé, des trous. Craintes pour la générale de demain. Vu Sarrazin – Bouise qui a monté une époustouflante machine, le photo-
tachystop. Dormi au Grand Balcon.

3 octobre 1963

Le soir, après dîner avec les Chris, les Monod et Dante, la générale. Du monde, qui suivait, tendant l’oreille. A la fin, un « heu, pardon » dans les . Dante salue. Représentation discutable mais convenable. Ensuite, au Richelieu, le champagne offert par Sarrazin à toute la compagnie. Chansons de corps de garde.

4 octobre 1963

Avec les Chris, Annick Michaud et Elisabeth Goldblatt à 9 h quitté Toulouse. A Saché à 6 h. Transmis à Calder l’invitation de Dante et Sarrazin de faire les décors du Poisson noir pour octobre 64. Bu et mangé sur le pouce, après avoir vu les énormes Stabiles de la colline. A.P.ris minuit.

6 octobre 1963

La Route. L’après-midi, les Toussaint et Danielle, Bernard et les deux filles (Stéphane à la télé chez Toussaint).

7 octobre 1963

Coup de fil de Bouise : les 2 dernières représentations ont été mieux accueillies encore que la première. Dante à Lyon pour voir Planchon. Bouise après-demain prend l’avion pour Cuba. Voudrait emmener Dante avec lui. Mis en contact avec Melle Lavand pour renouvellement passeport. Téléphonage de Chris qui part pour Bruxelles. Surpris de son ton enjoué, presque tendre…

8 octobre 1963

Avec Bouise, à Orgeval chez le photographe Strand, ami de Gasparini (lequel réclame de la pellicule et du papier à Strand, qui nous envoie rue Ramey chez un autre photographe, J.L. Swiners, lequel dit : «  Je suis plutôt de droite ». Pris congé aussitôt).
Ensuite, coup de fil de Chris, Dante qui part avec Bouise (à Berlin, « Auguste » très applaudi).

10 octobre 1963

Coup de fil de la « communauté théâtrale » qui veut monter le Poisson noir. Mis en contact avec Cuba.
Un barrage déborde en Italie : des milliers de morts, annonce-t-on.

11 octobre 1963

Mort de Piaf et de Cocteau. Au journal pour un coup de main mortuaire.

14 octobre 1963

Fait papier sur un truand passé écrivain (médiocre). Pas foulé.

15 octobre 1963

À déjeuner, Monloup et Lucienne.

18 octobre 1963

Téléphoné à Saby pour qu’il reçoive Me Weil, amateur (une toile disponible : 500). En deux voitures, avec les Monloup, Benichou (barbu) et feuille d’or (gaffeuse) à Bourges. Maison de la Culture toute neuve, beau théâtre. Vu Richard Secrétain, Gabriel Monnet puis au dîner au Jacques Cœur, Calder, Mme Calder, P. Halet and wife, J. Ferrat (musique). La représentation, longue. Mais tout allait à la perfection sauf un peu de rhétorique, quelques acteurs faibles. La pièce… réfléchir. Triangles noirs, acteurs ? Une araignée tournant au-dessus de la scène.

19 octobre 1963

Parti à 9 h. La Comédie avait réglé ma chambre. Laissé Monloup et Lulu qui verront Calder à Saché cet après-midi.

21 octobre 1963

Coup de fil de Monloup. Il a vu Calder et ses monuments samedi. Dante a écrit : il est bloqué à Prague avec Bouise ; pas d’avions pour Cuba ; tous réservés au transport de vivres (ouragan Flora).

22 octobre 1963

Coup de fil de Nicolas. Il habite rue Daru. (Il a failli enterrer Edith Piaf jusqu’à ce que Rome autorise un prêtre à se trouver au cimetière.)

28 octobre 1963

Nicolas à déjeuner. Soutane et béret basque, serviette. Gai. Anecdotes : l’émigré parti en Russie voir les siens, leur laissant tout, rentrant sans valise, avec un baluchon noué. Demande des nouvelles de tous et toutes.

30 octobre 1963

Avec B., concert du D. M. à l’Odéon (Webern, Stravinsky, Messiaen, Froidebise). Grande foule. Vu Michaux, Dubois, Malraux ( ?), Paule Thévenin, Bernier.

2 novembre 1963

Diem renversé et tué. Mme Nhu veuve.

3 novembre 1963

Partis de Hayange à 9 h 30. A Valmy, elle vomit (Ariane) mais crie quand même « Vive la Nation » au moulin décati.

6 novembre 1963

Grève d’électricité. Reçu et lu d’Auclair un « tiré à part » sur les faits divers (paru dans Critique).

7 novembre 1963

Vu les Monloup (il cherche des décors à faire dans les films en attendant Gatti, elle, à devenir script girl). Dante rentre le 26.

13 novembre 1963

Suicide d’une jeune fille, nommée Ode, 8 jours après la mort de Cocteau. La même qui, au début de l’année, quand j’allai chez Cocteau malade, se tenait dehors, appuyée contre un arbre du Palais royal.

14 novembre 1963

Cocktail au Seuil : Chateauneu, Bardey, Flamant, Cayrol (à qui je parle de « Muriel »). J’avertis que j’enverrai un petit bouquin à éditer.
Coup de fil de Chris : il part pour Berlin et de là pour La Havane peut-être. Pas de commission pour Dante ? Non.

15 novembre 1963

Chapeaux, légendes pour 6 pages sur Calder dans PM. Dîné chez Monloup et Lulu au 10e étage du bd de la Bastille, en face des Otero (vu le livre de Mercedes sur le Zodiaque). Bénichou avait fait un couscous à la tlemcenoise judaïsé.

16 novembre 1963

Journal. M. Portelle, père de J.P. mort aux îles Cocos. Ravagé, désespéré : ne croit plus à la survie. Accuse Vergnes sans l’exprimer. Craint la vérité et d’obscurs « infamies ». L’ai encouragé à porter plainte contre inconnu, quelles que soient les éventuelles « révélations ». Vu Gaston à la demande de Tony Saulnier, suggère qu’il fasse un Calder plutôt qu’un Nico dans sa collection.

18 novembre 1963

Prix Goncourt : Lanoux. Renaudot : Le Clézio.

19 novembre 1963

Coup de fil de Michaud : Dante lui a demandé de lui envoyer le manuscrit de la chaise électrique (Sacco et Vanzetti). La pièce serait montée à La Havane, avant Villeurbanne. Cdf Danielle : pour remettre le téléphone 200 F ? D’accord.

20 novembre 1963

Passé chez Danielle : téléphone payé. Contestation sur son bail, difficultés pour son travail (pas de certificat, etc.). Pas de nouvelles de Dante. Il trouvera, lui aussi, des difficultés en rentrant.
Chez Gallimard à 6 h avec Luizet et un photographe pour une confrontation entre Le Clézio (Prix Renaudot) et Mandiargues (éventuel Femina).

21 novembre 1963

Gaston déjeune à la maison. Parlé de son livre (vase de Soissons), de Napoléon, de de Gaulle ; comment lui succéder ? Il voit un front popu appuyé par l’armée. L’hypothèse me paraît comique. L’armée appuiera Pinay. Gaston persiste : elle a une revanche à prendre contre les possédants, les affairistes du régime, donc, la barre à gauche. Papier : chapeau et découpage du Le Clézio-Mandiargues-Lanoux.

22 novembre 1963

20 h : Kennedy assassiné à Dallas (annonce TV). PM a besoin de moi si l’on ne trouve pas Cartier en Belgique pour faire le papier Kennedy. De toute façon, il y aura des chapeaux. Grande effervescence morale partout.

23 novembre 1963

A minuit, au journal. Branle-bas. Pages par terre, photos, radios, etc. Fait mes chapeaux et rentré à 6 h 30. Pas dormi. L’assassin est arrêté.
Mort d’Huxley.

24 novembre 1963

L’assassin de Kennedy – qu’on fait passer pour communiste ou à peu près – abattu dans les locaux de la police par un « vengeur » (qui se dit tel), Jack Ruby, patron de bordel ! Oswald ne parlera plus.

25 novembre 1963

Mon procès P.L. plaidé aujourd’hui par Me Libertalis (Stibbe en convalescence).
A la télé, obsèques de Kennedy (transmission par le satellite Relay). Cdf Bernard Saby, scandalisé de l’absence prolongée de Dante. Danielle aux abois, avec une Paule Thévenin redevenue la commère agressive et méchante, l’anthropophage.

26 novembre 1963

7 h à l’opéra, foyer de la danse, puis salle, avec Durieux et Gragner pour le reportage Boulez. 1ère répétition en costumes de Wozzeck – Auric, Masson et la Thévenin présents (laquelle je snobe comme je peux). Petrus en bonne forme. Content de « réussir », amusé. Derrière moi, j’entends les ragots des petits, des sans grades de l’opéra. Etonnant.

28 novembre 1963

L’après-midi au journal. Agitation : on va élire pour la première fois des délégués du personnel et en janvier des délégués au comité d’entreprise. Proposé à Serran une liste (Serran, Lagache – suppléants Courrière et Menant ou J.M. Grunebaum).
Vu au journal Monique Dhuez, elle et les Portelle ont porté plainte contre Vergnes. Télégramme de Calder, très content du reportage.

29 novembre 1963

Deux lettres de Mme Collin, délirantes. L’une à moi, l’autre à Gatti. Elle annonce des « faits divers ».
Téléphone à Derogy pour le mettre en rapport avec les Portelle. Cdf Hubert : Dante arrive de Prague cet après-midi.

30 novembre 1963

Cdf à Bernard, qui n’a pas vu Dante, et à Hubert qui l’a vu. Bien arrivé. Installé bd de la Bastille. A écrit une pièce et trois scénarios (ou 4) à Cuba ! Bernard voudrait qu’il songe à accélérer « les choses » (séparation en tout cas) avec Danielle.

2 décembre 1963

Cdf de Gatti : R.V. demain.
Anniversaire (discret), à Joinville sur le plateau où Buñuel tourne le Journal d’une femme de chambre. Venu avec Elisabeth Goldblatt, inefficace malgré son amitié avec les Buñuel. Vu Lary, assistant. Mme Jeanne Moreau se déshabillant dans une scène, je suis parti. Me suis égaré 5 – 6 kilomètres vers Ivry avant de trouver un taxi. Noirs faubourgs !
Opéra. Vu Danielle, Bernard, les Toussaint, Croizard. Grandes acclamations. Bernard pas d’accord avec la mise en scène : sans style défini, sans parti pris. (Il aurait fallu un Planchon, dit-il.) Toussaint va entrer aux Presses de la Cité et faire un procès à Fayard.

3 décembre 1963

Lettre de Calder – nous invitant B., Ariane et moi à Saché : « pour y choisir une gouache ».
Gatti devait déjeuner. À 2 h, je déjeune sans lui. À 2 h 30, Chateauneu arrive pour le voir. Téléphoné bd de la Bastille : Gatti dort, on le réveille à l’instant. Chateauneu part le retrouver.

4 décembre 1963

Téléphoné à Dante pour l’inviter à venir au concert du D.M. ce soir. Il téléphonera à 2 h. Ne le fait pas.

egoflash : MERCREDI 4 DÉCEMBRE 1963

9 décembre 1963

Cdf de Monique Dhuez, Jacqueline Portelle et Marquet : l’affaire rebondit pour de bon. (M. Dhuez indignée contre le reporter T.V. qui se disait ami de J. Portelle sans l’être et fut perfide sur l’amour de la publicité du disparu.)

10 décembre 1963

Aidé Croizard pour l’article Boulez. Dîner chez les Camus, plus les Lefèvre, les Menant. Parlé surtout de Kennedy. Donné mon opinion sur l’assassinat : conjonction du Sud raciste et de la mafia « Cosa Nostra ». Oswald instrument hébété de l’une, Ruby tueur patenté de l’autre. Menant d’accord. Enlèvement du fils du chanteur Sinatra.

11 décembre 1963

Cdf à 10 h du soir de Mack retour de Cuba. Il repart pour Lyon. Son film russe est fini. Il jouera Auguste G à Paris. Me rapporte les « cigares de Castro ».

17 décembre 1963

Déjeuner chez Mercier avec Marcel Roels – Nouvelles du PL. Publicis : Dominique Vernay – « du Croisic » – m’invite à la projection du Balcon, tourné en Amérique d’après Genêt. Musique de Stravinsky. Très bon. Suggéré une projection privée à l’Elysée.

18 décembre 1963

Chez Danielle, jouets pour les gosses. Vu Bernard.
Voté pour les délégués syndicaux. Lacaze vient me voir, m’explique que si les listes ont été élaborées dans son officine, c’est qu’il fallait bien le faire quelque part. Il faut se battre, dit-il, contre les capitalistes qui se bourrent de fric, alors que le journal est l’œuvre de tous, etc. Thérond ne joue pas le jeu, trop mouillé…
Cdf de Gatti. R.V. demain soir. Cdf de Nicolas. Me parle du voyage du pape auquel participeront 20 P.M., et pas toi, dit-il.

19 décembre 1963

Téléphoné Saché à Davidson pour lundi. Lettre du Petrus à Croizard à propos de son papier. Dîner prévu lundi ensemble si je ne vais pas à Saché. Dans sa lettre, il note que Wozzeck fait plus de recette que Faust (« Revanche, consécration », dit-il).
Gatti rue Custine à 6 h avec Monloup. Parlé de Calder (comment l’aborder, lui faire accepter Monloup comme adjoint, etc.). Dîné. Mis Wozzeck sur l’électrophone. Dante parle de lui – avec ce malaise ancien, multi causal. Raconte le scénario d’Algernon (le rat et l’homme) et le projet de film à partir de l’idée de Chateauneu (les menhirs). Cdf de St Jean : cherche un traducteur d’allemand. Lui indique Chateauneu justement.

23 décembre 1963

Pris Dante et Hubert bd de la Bastille. De là à Saché à midi. Route enneigée parfois. Déjeuner chez Davidson avec la fille et le gendre d’André Breton (Aube Breton). Arrivée des Prévost. Tandis que Gatti et Monloup parlent avec Calder des décors du PN, je m’enferme avec Jean (critiques du Général ). Vu les stabiles. Gatti, saoul et pâle, s’engueule, ou plutôt engueule, Prévost et Jean qui ne font pas la révolution au Venezuela. Sur la route, par – 1O ° – ensuite, grande déclaration d’amour et allusion à ma « trahison » (j’aurais pris le parti de Danielle contre lui). Dîné chez Calder avec la seconde fille et son mari. Choisi des gouaches. Gatti couché là. Nous à Azay-le-Rideau. Calder nous donne à choisir une gouache à chacun. Nous choisissons aussi celle du malade.

24 décembre 1963

A 9 h 30, petit-déjeuner chez Sandy. De là chez Davidson, puis Paris à 3 h. Journal : le frère d’Hervé Mille est mort (Gérard) – embolie, écrit Hervé.

25 décembre 1963

Mort de Tzara.

26 décembre 1963

Train pour Knokke à 7 h 33. Changement Bruxelles et Bruges. Colloque sur l’expérimentation littéraire, avec Solier, Sollers, Pleynet, Cayrol, Ollier, Goldman, H. Lefèbvre. Emmerdant comme la pluie sur Knokke. Puis des films pendant deux heures. Pas drôles.

27 décembre 1963

Brume. Mouettes. Désert. Promené sur la digue et avenue Lippens sur un pavé glissant. Films jusqu’à midi. Déjeuner, puis promenade dans le brouillard. 15 h : colloque cinéma. Aussi con qu’hier la littérature. Dîner avec Cayrol et Cl. Durand. à 9 h, salle du Lustre (et quel lustre !) lecture – spectacle : la Tragédie du roi Christophe de Césaire. Vu Rosner et W. Klein. Puis d’autres films après minuit.

28 décembre 1963

Films jusqu’à midi. Rencontré J. Bonnardot. « Colloque théâtral » (Rosner, Dubillard, Lefèbvre, Goldman). Un peu moins varié que les autres. Films ensuite jusqu’à minuit. (Parallelstrasse, bon.)

29 décembre 1963

Déjeuner avec J. Bonnardot et un distributeur belge. Je m’ennuie hors des projections. Solitude et bonnes résolutions pour l’année.

30 décembre 1963

Film sur Dubuffet – un Américain assez bon (Totem) « Ceux qui tombent », déjà vu à la TV. Colloque de synthèse l’après-midi – d’où j’ai fui. Pris le train à 6 h 39. A.P.ris à 20 h 38. Dans le train, la voyageuse UNR (Discours sur de Gaulle, etc.).