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1965

Pierre Joffroy était son nom de plume. Maurice Weil celui de l’état civil.
Né en 1922 À Hayange en Moselle, il monte à Paris en 1945 après être passé par Lyon où il s’était réfugié en 1941, rejoint plus tard par son frère Gilbert .
Entré au Parisien Libéré dès son arrivée dans la capitale il réalise un de ses premiers reportages en s’embarquant sur un « rafiot » chargé de juifs européens  rescapés des massacres nazis.

Ici commence l’histoire des carnets dont certains disparaissent à l’occasion de ce voyage en terre de Palestine en 1947.
Il s’agit d’un petit agenda (un par trimestre) sur lequel il note rendez-vous, rencontres, conversations téléphoniques, lectures, sorties, projets et ceux de ses amis.
Le format n’autorise pas le développement comme encore moins les épanchements (même si on trouve quelques cris du cœur).
Ces carnets pourraient être (sont) comme une gigantesque table des matières d’un livre à venir, un vaste index qui renvoie à autant de pages qui ne sont pas encore écrites.
Au commencement était le verbe. Reste à trouver la suite.
À vous de lire ce projet de « livre total ».
À vous de nous donner des informations complémentaires que la lecture de ces 20 premières années (1947-1968) vous inspire.
La suite, 1968-1980, puis 1980-2000, paraîtra dans le courant de l’année 2021.
Les carnets n’avaient jamais été lus, ni déchiffrés avant 2008. Ils ont été photocopiés puis déposés à l’IM.C.(Institut Mémoires de l’ Edition Contemporaine) avec les archives de Pierre Joffroy où ils peuvent être consultés.

Choisissez une année 

4 janvier 1965

Retour à Paris. Conférence de rédaction. Cdf de Labarthe, me félicitant pour « Jean Moulin ». Brisson étant mort, qui va lui succéder au Figaro. C’est un sujet qu’on discute au journal, Prouvost ayant son mot à dire. J’entends des noms : Hervé, Gaston, Raymond.

5 janvier 1965

En téléphonant à Danielle appris que le cadet des Toussaint a tenté de se suicider (à l’aspirine !), découvert dans le parc de Revellière, soigné, envoyé à Rangins. Echec au bac, solitude, etc.

6 janvier 1965

Vu JJSS à propos d’un papier sur l’éducation sexuelle en Suède. Terminé à 6 h.

7 janvier 1965

Avec Danielle à l’Express pour y voir Mme Cl. Servan-Schreiber. Questions. Réponses timides. J’insiste pour qu’on la prenne. Vu Derogy, F. Giroud qui me félicite pour Berlin.
Ensuite, Flambert au café. Vidé du P.L., en procès avec eux, il me demande des tuyaux. Il est au Figaro où se trouve Buffet. Le « Fig » vit dans la terreur : peur du directeur qui imposerait J.P. et de la descente de gens de P.M. sur le Rond-Point. A.P.M., grandes plaisanteries : on parle des candidats Hervé, Gaston, Dubois, Farran, R. Cartier… Vu Sallat. Rendu papier.

8 janvier 1965

Déjeuner 48, av. de New-York chez Labarthe. Avant qu’il n’arrive, visite de l’appartement. Léocadie. Lui, traits tirés : régime, infarctus. Il est marié. Pygmalion. Sa femme est en Egypte. Parlé de J. Moulin et de Halpern (furieux contre l’auteur de cet article, qu’il ignore avoir en face de lui). Vu plus tard sortant de PM Guy Verdot, pas vu depuis des siècles. Opéré, vidé du Figaro. Fait des piges à Télé 7 jours. Bu à la Ferro avec lui. Ensuite, Gaston, Hervé ; toujours le Figaro à l’ordre du jour. Vu aussi Christine de Rivoyre qui voudrait se retirer, vivre de sa plume (son livre l’a enrichie). Je le lui conseille très vivement. Elle a l’air d’être ébranlée.

12 janvier 1965

Coup de fil de Katia. Me dit qu’à F.Observateur, on souhaite ma collaboration. Avec Rapinat, Merlin, Croizard et Hermès, vu Thérond pour faire régler enfin le problème sténo (le service devra passer de l’administration à la rédaction). Bon résultat. Train à 23 h 02 pour Albertville.

13 janvier 1965

Arrivée à Albertville à 6 h 51 avec la pluie. Sous-préfecture de J. Moulin. Taxi pour N.D. de Bellecombe. Hôtel : 35 F par jour et par personne contre 45 en saison. Hôtel Samarcande tout neuf, « guest house » plutôt explique le patron.

15 janvier 1965

Neige et soleil. Churchill gravement malade. Thrombose. 90 ans depuis le 30 novembre. Un grand Sagittaire se meurt.

16 janvier 1965

Descendons à pied à Flumet. Il a neigé cette nuit. Paysage splendide, arbres chargés de neige, sous-bois blancs et mystérieux : où est la licorne ? Silence.
Churchill tient, toujours en vie.

19 janvier 1965

Neige encore. Cdf du journal à propos de Churchill : revoir mon papier d’il y a 3 ans.

20 janvier 1965

Descendu à Albertville pour chercher le pli de Paris Match qui n’est ni à la gare, ni à la poste. Corrigé papier – mais impossible de passer les corrections : le double était parti à l’imprimerie.

21 janvier 1965

Megève. A la poste pour téléphoner. Churchill pas encore mort.

24 janvier 1965

Mort de Churchill ce matin.

25 janvier 1965

Coup de fil de Croizard : veut que j’aille à Londres pour les obsèques de W.C.

26 janvier 1965

Croizard insiste pour Londres de la part de Thérond. J’accepte finalement, si j’arrive assez tôt à Paris, malgré la grève. A la TV de l’hôtel, horrible vision : « Bonjour tristesse ».

27 janvier 1965

Grève SNCF, mais train demain. Il faut coucher à Gap. Au Grand hôtel lombard, au moment du coucher à 8 h, on nous remet une bougie sur une assiette : grève ce soir à partir de 9 h.
Anniversaire de la libération d’Auschwitz.

28 janvier 1965

Réveil à 3 h 50. Autorail à 4 h 32, pris avec 1/2 h de retard. A Grenoble, train de Paris : personne dans le wagon. 17 personnes en tout. P.M. l’après-midi : le brouhaha des « premières ». 56 partent pour Londres (panier repas, dortoirs, 7 £ par personne : la révolte).
Mort de Weygand.

29 janvier 1965

8 h 10 gare du Nord. Train de Londres. Un wagon loué. Thérond, Vial, Croizard, Menant, Martin, Requin, etc. « Repas hors sac » comme dit Menant. Traversée sur le « Côte d’Azur » à peu près calme. Hôtel Mount Royal. Pluie, drapeaux en berne, portraits en vitrines.

30 janvier 1965

A 9 h avec Menant au Strand à Fleet street – passage du cortège. Ensuite, au Savoy, dans la chambre de R. Thérond, et sur le toit pour l’arrivée, dans une lumière grise et rose, du bateau funèbre. Dîner au Savoy à 9 h : Thérond, Merlin, Menant, Mme Vals, Cartier, Chargelegue, Laville. Puis de 3 h à 5 h du matin, l’attente au 117 Fleet Street dans les locaux de Paris Match. Temps sec!

31 janvier 1965

Départ 10 h. Mer mauvaise. Beaucoup de malades (Charlotte, Thérond, Vals, Cartier, etc.). Déjeuner avec 3 ou 4 du studio, seuls valides.

1er février 1965

Coup de fil de Dante, retour d’Allemagne : à Essen, il n’a pas reconnu « Tatenberg » ; à Berlin, il a vu Piscator qui l’avait invité. Il repart demain pour Alger, puis à Saint-Etienne lire sa dernière pièce.

2 février 1965

Au journal, la détresse de l’équipe vomissante fait les belles heures du couloir.
Vu JJSS. Demande encore si je fais le saut. Je dis que je préfère ne pas le faire. Pour le moment, on continue comme avant, à dépouiller l’histoire (mal écrite) de la IVe – et à saucissonner.

4 février 1965

Travaillé au découpage d’un docu Express sur IVe république. Conférence de presse de Gaulle. Voix plus lente, plus usée, traits creusés. Encore moins de gestes. Des tics de vieillard.

8 février 1965

Conférence : proposé papier sur la prescription des crimes nazis. Marquet, pour la prescription, fera un papier en même temps.

12 février 1965

Sabathier mort à Berne.

13 février 1965

Décidé d’aller à l’incinération lundi.

14 février 1965

La mère pas très bien. Décidé de rester. Téléphoné à Croizard que je n’irai pas à Bâle.

16 février 1965

Paris. Vu Croizard au journal, retour de Berne.

18 février 1965

Rédigé avec Croizard la notice de Sabathier. Vu Gaston qui a l’idée de proposer l’oratorio au Prix Combat. Mais les conditions n’y sont pas, à mon avis.

22 février 1965

Milan – Locarno. Thomas Harlan à la gare. En voiture à Ascona. Parlé de J.M. Sabathier-Lévêque (Maya Picasso furieuse qu’on disperse les cendres : pas d’endroit où se recueillir. Lui, Th. H. a eu un accident de voiture le jour de la mort de JMSL).
Travaillé sur la prescription avec ses dossiers. Tél. à Croizard : mention a été faite de JMSL dans le Prix Combat. Dîné chez Lina, petit restaurant où fréquentait JM : la patronne en parle avec attendrissement. Discuté stalinisme, Dante Gatti, Saby, Boulez etc…

24 février 1965

Train pour Francfort 7 h 55. Francfort 16 h. A 5 h, au débotté, vu Bauer, procureur général (je lui parle de K. Barbie, assassin de J. Moulin – il prend note). Pendant que j’y étais, reçoivent un coup de fil du ministre Von Bülow.

1er mars 1965

Téléphoné à Thomas Harlan. Quelques réserves Croizard et Thérond sur le papier Auschwitz – prescription. Atténuer les mots.

2 mars 1965

Vu Chodkiewicz au Seuil (pour les corrections) puis Jacqueline Trabuc, qui voudrait un Petite Planète sur les Etats-Unis. Je décline l’offre, conseille Davidson ou Auclair. Puis, 3, rue Séguier, à l’Œil pour l’expo Saby. Nous sommes les premiers et les seuls. Vu Bernier, affairé et précieux. Puis Bernard, content. Me dit que les Gatti ont tous eu la grippe. Parle de Stéphane, qui traverse une période agaçante, « cet air ramenard… ».

3 mars 1965

Coup de fil de TSP : a reçu manuscrit de Mme J. Moulin qui se démène beaucoup… ai conseillé d’aviser Laure Moulin et de prendre son avis – pour le film aussi.

8 mars 1965

Téléphoné à Locarno. Téléphoné papier. Croizard méfiant pour des procès. Finalement, il est emballé.
Lettre d’un ami hollandais de Kafka, parlant d’une pièce « Die Brücke » donnée par Kafka et perdue. Maufrais a reçu les 1 000 F du journal.

9 mars 1965

Revu le papier – objections de Croizard. Crainte de procès. On le soumet à l’avocat de PM, Guy Danet, etc.

10 mars 1965

Téléphoné à Harlan. Lu le papier, corrections. Téléphone ensuite Poliakov.

13 mars 1965

La Route. Nouvelle TV installée (avec la 2e chaîne).

14 mars 1965

Elections municipales. Je n’y suis pas allé (égaré ma carte).

18 mars 1965

Corrigé papier Sydney Smith sur les Windsor. Un Soviétique sort de son vaisseau cosmique et se promène dans l’espace !

19 mars 1965

Grande sensation après la sortie dans l’espace. Pendant ce temps, les Américains bombardent le Nord Vietnam et s’embrouillent dans le racisme en Alabama.

20 mars 1965

Terminé entièrement Alcatraz. Reçu catalogue Calder (musée Guggenheim)

21 mars 1965

Travaillé papier Chine – très vite.

22 mars 1965

Envoyé Alcatraz au Seuil. Le Tac battu aux municipales du quartier par le Front populaire.

23 mars 1965

Les Américains lancent des gaz sur le Vietnam du Sud.
Engueulé la pauvre piote parce qu’elle ne veut pas aller dans la lune…

25 mars 1965

Le nouvel ascenseur de PM fonctionne. Une date.
Vu TSP rue du Bac : mis au point le livre de Laure Moulin sur son frère. A la demande et sous contrôle d’Hervé papier nécro sur P. de Croisset, tué en auto près de Grasse.

2 avril 1965

Vu, à l’ambassade du Brésil l’attaché de presse Bettencourt pour compléter les trous du livre. Coup de fil de Gatti – mais j’étais à la Route. Un temps absolument merveilleux. Des oiseaux, des parfums.

3 avril 1965

Corrigé Brésil.

5 avril 1965

Progressive imbécillité des Américains en Indochine (l’escalade !). Partis pour La Seyne.

7 avril 1965

Terminé 1er papier Hitler.

8 avril 1965

Travaillé 2e papier.

9 avril 1965

Travaillé 3e papier.

10 avril 1965

Train pour Paris. Train bleu à 22 h 36.

11 avril 1965

Aït Ahmed condamné à mort. On pense qu’il sera gracié par Ben Bella. Recopié 1er papier.

12 avril 1965

Chez Dante que j’ai réveillé. Projet de film sur J. Moulin. On va s’y atteler. Déception.

13 avril 1965

Envoyé lettre à Laure Moulin pour le film à faire avec Dante.

14 avril 1965

Pris Dante chez lui, allés dîner chez le Grec Georges près de l’Odéon. Révélations sur Danielle, le mouflet, sur Chris et Hélène qu’il (D.) n’aimait pas et qu’il s’était mis à aimer, etc. Arrivée de Bouise et de sa femme. Dîner arrosé de bordeaux – d’autres comédiens. Merveilleuse soirée. Parlé des CSAIOZ, le monde inconnu, de Jean Moulin.

15 avril 1965

Remis le papier.

16 avril 1965

Cherché Dante chez lui. Parlé de J. Moulin. De là, chez le Grec : dîner. Changements gattesques : le chauvinisme, la connerie des Allemands de l’Est (dirigeants), moins de confiance, plus de lucidité. Nous vieillissons, oui, plus de conversations comme il avait l’habitude, des chances de me casser la gueule…

17 avril 1965

Gatti à déjeuner. Ebauché le scénario. Retourné à 4 h. Ensuite, l’ai pris chez lui à 20 h : il y avait Helman et une jeune femme du théâtre d’Aubervilliers. Helman, mécanique bien rodée, toujours le même – sauf qu’il l’explique à la nommée Fiannetta. Nous l’avons quitté. Dîné dehors dans un restaurant chinois. De là, près de Polytechnique, à la « Méthode », boîte où Dante est connu. Rentré 1 h.

18 avril 1965

Gatti venu pur voir le match de foot France – Yougoslavie, médiocre. 1-O pour la Yougoslavie. Dîne avec nous au 3e. (Grande conversation avec Gilbert : l’occupation, Lyon, les pièces de théâtre, le public populaire, les Ulrich, les mondes parallèles. Une phrase de Gilbert est notée aussitôt par lui : « On dit toujours trop tôt ».)

19 avril 1965

Déjeuner avec Gatti, brasserie alsacienne, rue de Lyon avec la « dramaturge » d’Essen, Ilka, et son mari, le décorateur. Sympathiques tous deux.

26 avril 1965

L’Hitler de l’Express modifié par Giroud.

27 avril 1965

Allocution de Gaulle sur l’indépendance de la France ; vieilli encore. Je doute qu’il se représente à la présidence (« La vieillesse, quel naufrage ! », disait-il à propos de Pétain). Texte très antiaméricain.

28 avril 1965

Lettre de Melle Moulin : elle est engagée avec un metteur en scène français, soutenu par des Ricains.
Au ciné « Le Corniaud », assez drôle.

29 avril 1965

Le cinglé Quiniou qui m’écrit à propos d’articles sur la prescription en est à sa 29e lettre recto verso. Coup de fil de Dante. On laisse tomber Jean Moulin pour l’instant. Il me propose une idée de film. Dante travaille à revoir la Chine et finit son « feuilleton ».
Reçu épreuves d’Alcatraz. Profitant d’une guerre civile à Saint-Domingue, les Américains débarquent froidement à Saint-Domingue.

30 avril 1965

11 h réunion chez Roux : Thérond, Croizard, Martin, la Charlotte. Quand il me voit, le Roux s’étrangle, veut me congédier. Je proteste. Thérond m’a invité. Roux se rassied. L’affaire est exposée par moi assez brutalement. Puis je prends congé.

2 mai 1965

Corrigé les épreuves.

4 mai 1965

Rendu les épreuves à Mme Denaria, rue de Seine 57. Chez TSP aux Presses de la Cité, m’introduit chez Nielsen – qui avait déjà reçu V. Vence, St Jean (presque fichu à la porte) et recevait de nouveau Vence avec le photographe. Conversation.
Journal. Vu Pottecher, venu prendre des photos de Dallas.
La brochure sur les massacres d’Arménie : voilà où Hitler a puisé le plan et les moyens du génocide ! Cdf de Dante à 11 h pm du Kalymnos : « Veux-tu faire le journal du Grenier ? »

5 mai 1965

Vu Th. De Clermont-Tonnerre pour l’affaire Nielsen. Cdf de Sarrazin. Le journal du Grenier. Je donne un accord mitigé.
Papier Nielsen : horrible à faire – d’ennui !

7 mai 1965

Remis le papier. Ce n’est pas ça ! Je refuse de le refaire. Barrat s’en charge. Vu dans les couloirs avec Barrat: Dominique Darbois, retour après 7ans de Tunisie etc…

10 mai 1965

Conférence PM : R. Thérond me demande, un peu gêné dit-il, ce que je pense d’un numéro sur Pétain. Je le dis. Tournoux aussi consulté.

12 mai 1965

Roger Vaillant mort d’un cancer au poumon (57 ans). Thérond me demande le papier. Refusé – à cause du father.
Lecture de « Sorge » – en épreuves pour l’Express. Excellent bouquin (encore que Mme Cl. SS le trouve mauvais !).

14 mai 1965

Corrigé les 2e épreuves d’Alcatraz.

18 mai 1965

Concert salle Pleyel. Boulez pas là. Vu B. Saby et Danielle, H. Michaux, Souvt.

25 mai 1965

RV à l’Express avec Bruno Mounier administrateur. JJSS n’a pas voulu me dire lui-même les décisions prises : en raison des charges trop lourdes, passage du prix à la pige (« plus importante évidemment le cas échéant »). Il a été un peu surpris de mon acceptation immédiate.
Téléphoné à Gatti ce soir (après cdf pressant de Sarrazin au sujet de son journal).

27 mai 1965

A 7 h chez Monloup pour y retrouver Dante. Il y avait au bas de l’escalier Hélène Châtelain, dans l’appartement Pépi Schmidt et sa cousine, et Dante, cherchant à fuir pour aller retrouver la 2e, Claudine (du théâtre d’Aubervilliers et de la rue des Panoyaux). Allés dîner tous les quatre (Pépi, Monloup) chez le Grec. Puis, resté seul avec Dante, sous prétexte d’aller à Bourges avec lui. Longuement parlé : de Stéphane, des parents, des amis, etc. L’ai raccompagné vers minuit rue des Panoyaux.

29 mai 1965

TV 2e chaîne : une émission sur Dante (Démons et merveilles, la lutte contre l’ange, Boussinot – Beynet).

31 mai 1965

Express : Sorge paraît – à peu près intact.
Dîné avec B. chez Danielle et Bernard – avec Robert Toussaint (très affecté par le drame de son fils : tentative de suicide, sa femme à Frangins auprès de lui).

1er juin 1965

Livre sorti, me téléphone le Seuil. On me l’envoie. Pas bougé. Nerveux.

2 juin 1965

Reçu Alcatraz – plus gros que je ne pensais, by Jove ! Dîné avec B. chez Menant. Parlé de Collin (qui n’aime personne, dit M.), de de Gaulle, du vin, du tabac (auquel il ne peut renoncer), de l’augmentation de taille des Français et de ses explications possibles, etc. Rentré 1 h.

5 juin 1965

Coup de fil de Dante : il reste au lieu d’aller en Italie. Question d’argent ? Je le vois mardi ou mercredi.

8 juin 1965

De 9 h à 13 h signé au Seuil « Alcatraz ». Vu Montigny, Bardet et Guillain qui signait à côté « Dans 30 ans la Chine ».

9 juin 1965

Un coup de fil égaré m’arrive par hasard : c’est G. Antonelli. « Vous devriez y réfléchir. C’est lourd de signification », dis-je. Cercle Interallié : le Prix pas décerné. Trop peu de candidats (2 du même journal, de Cherbourg, et mauvais). Présents Goulon, Helsey, Wolff, Guillain, Sevry. Après, avec Sevry jusqu’au journal. Avec Rebaudy, théâtre Sarah Bernhardt. Magnani dans le sillage de Sarah Bernhardt : interview. À la TV ensuite, une interview de Cécile Sorel (93 ans) la tête de Weygand, du vieux Weygand, mais toute sa tête encore.

13 juin 1965

A 2 h 30, Dante vient me prendre. I.D. de Monloup. On va à Antony où je revois, après 15 ans, Diatto, grossi, grisonnant et « tonsuré » (peintre). De là, avec Pierre Chaussat et Sylvain Sanchez (mari de Pia Colombo) à Montlhéry chez le producteur Claude Nedjar qui vit avec Paule Delsol (« une fille à la dérive ») et la fille de celle-ci. On parle de l’affiche rouge. Nedjar me propose 5 000 F de toute façon pour le scénario et 20 000 si le film marche. D’accord. Rentrés après dîner à 1 h du matin. Vu encore là Georges le Grec, porteur d’une bonbonne de 28 l de beaujolais.

14 juin 1965

Signé 15 ex. au Seuil, puis corrigé Magnani au journal. Conférence au journal : un Croizard désabusé, fatigué (PM baisse, en dehors des numéros spéciaux sur la guerre…). D’ailleurs, la presse va mal (Paris-Presse jaquette France-Soir, Express en baisse, F. Observateur va plus ou moins, Figaro littéraire terminé).

15 juin 1965

Avec B., en métrobus au Bourget par un soleil torride. Avons rendez-vous avec Monloup vers 10 h 30. Pas trouvé (il devait passer avant d’aller chercher un visa tchèque). Fusées Atlas, Titan vues pour la première fois. Le plus grand hélicoptère russe, l’avion géant Antonov (sensation du jour) et le Vostok de Gagarine, encore rongé par la rentrée dans l’atmosphère. Vu siège éjectable.
Un monde neuf et splendide. U.S. : rien que des avions militaires et des bombes. URSS : que des avions civils. À un moment donné, grande fumée sur le terrain. Le speaker s’affole, appelle les autorités, invite les gens de la TV à monter sur le toit. C’est un avion qui a capoté ; un B58 américain (1 mort, 2 blessés). Au journal, parlé avec Croizard qui a reçu Alcatraz. Interview au Seuil avec radio belge.

17 juin 1965

Coup de fil de Vialatte qui a lu 60 pages : « C’est fait comme un sous-marin » ; me reproche les mots rares. Un peu de préciosité.

18 juin 1965

Coup de fil de Dante. A eu une angine. On dînera avec Nedjar plus tard. A lu Alcatraz au lit. « Tu as écrit quelque chose de très très bon ». « Tu n’as pas raté ta preuve ». Trouve que c’est méprisable, les choses constamment transcendées.
Echec de Defferre (son projet de « Fédération socialiste » excluant les communistes). Logique et souhaitable.

19 juin 1965

A déjeuner Nicolas Obo, Gatti (encore fiévreux, bourré d’antibiotiques) et Monloup qui m’apporte une toile immense (admirée chez lui et qu’il me donne). Parlé agréablement. J’étais heureux, pour beaucoup de raisons.
Coup d’Etat à Alger. Ben Bella renversé. Avec Boumediene ce ne sera pas mieux. Mais au moins, il n’y aura pas d’équivoque, pas de démagogie.

21 juin 1965

Coup de fil de JJ de Lyon « content » de voir le livre – que je l’aie écrit. Espère en faire autant bientôt. Félicitations de Reyer, Castans… lettres. Vu Litran : son père est mort comme le mien.

22 juin 1965

Cdf de J. Davidson. Il a reçu le livre. Parle de l’expo de Calder, au Musée d’art moderne (après Guggenheim de N.Y.). Calder a envoyé à Johnson un télégramme . Le président l’invitait à la Maison Blanche le 2 juin. Il a refusé, dit-il « s’il se trouvait à Washington ce jour-là, il ne serait pas à la M.B. mais au meeting contre le guerre du Vietnam ».

24 juin 1965

Vu Diwo. Eloge d’Alcatraz. I drink some little milk. Lettre de Harlan.

28 juin 1965

Cdf de Chateauneu : il a un fils, Rémi – Il a vu Roblès chez Gallimard. Très enthousiaste d’Alcatraz.

29 juin 1965

Cherché Gatti bd de la Bastille. Trouvé aussi Sanchez et Gino (Zampieri en privé) acteur. Monloup parti pour Francfort et Prague. Décor de Sacco presque fini : dessins, esquisses, plans en abondance. Allé dîner chez Georges avec eux trois plus Hélène Châtelain. Il a grêlé place de l’Odéon, des grêlons de 1 à 2 cm. Parlé des deux scénarios que je dois rédiger : l’Affiche rouge et Clara, projet tchèque. H.C. regardait le « gros » tendrement.

30 juin 1965

Reçu « certificat de destruction » de 5 282 volumes de « La Vie de Churchill ».

1er juillet 1965

Attendu Dante à la maison puis tous les trois « Au Trocadéro » pour y dîner avec les Calder, les Davidson, les Turenne, les Prévost. Ensuite, le vernissage : grand Stabile dehors. La foule. Harlet et Gatti : accord et conversation (« Je ne comprends pas que des gens de même métier puissent se jalouser »). Werner Hildebrand, attaché de l’ambassade d’Allemagne.

2 juillet 1965

Cdf de Bernard : n’a pas lu Alcatraz. Part avec Danielle et les filles pour Percevallière.
Conduit voiture au train Bercy. Dîner au buffet de la gare de Lyon avec les Gilbert et les Sanchez (Pia Colombo, retour du Canada).

3 juillet 1965

Arrivée Biarritz 8 h. Frontière.

4 juillet 1965

Roulé de Salamanque à Porto.

8 juillet 1965

En lisant la docu pour Manouchian, trouvé une photo de Selonczyk, mon ami de Lyon, il y a vingt ans – et le récit de sa fin. Fusillé.

11 juillet 1965

A Faro, arrivée en plein délire officiel : le président de la République l’amiral Americo Tomas défile à voiture découverte, déguisé en matafe blanc, levant les deux bras, parmi les confettis, les bannières, les balcons décorés de tapis, les scouts, les flonflons d’un orchestre qui suit.

14 juillet 1965

De Prades à Sète. Déjeuner chez les Woignier. Un jeune italien, Gimondi, gagne le Tour de France.

28 juillet 1965

Mort de Daniel Rops.

3 août 1965

Départ à 7 h. A Grenoble, arrêt Seyssinat Percevallière. Trouvé Mme Toussaint, Mme Gatti, Stéphane et, plus tard, revenant des courses, le doux Bernard. Mme Faure est là aussi. Bernard refait de la lichenologie ; il veut monter aux arbres… Déjeuner sur l’herbe vers Voreppe.

4 août 1965

Paris. D’Italie, Dante veut le texte (que je n’ai pas écrit).

5 août 1965

Valo me dit que « Minute » a éreinté « Alcatraz » il y a une ou deux semaines (court entrefilet, paraît-il). Rapinat rentre. Me reproche, elle, les mots précieux.

6 août 1965

Hayange.

9 août 1965

Retour Paris. Travaillé à l’Affiche rouge.

11 août 1965

Visite de Hautier (officier de la Légion d’h., svp), retour de Saigon, via Pékin et le transsibérien. (Séparé de sa femme et de son fils qui vivent à New York : elle ne supporte pas, dit-il, Saigon.) Il a grossi, mais reste moralement identique à soi-même : le voyage, les filles. Il est gaulliste : la politique extérieure du général Charles le ravit. « Quand on voyage, on sent que c’est une bonne politique ».
Ecrit à Dante que Manouchian aura du retard.

12 août 1965

Dans le Figaro littéraire, article de l’Estange sur Alcatraz assez élogieux – sauf sur le rêve « franchement assommant ».

13 août 1965

Rêvé : je disais à quelqu’un qu’il avait écrit le plus beau poème français, le bateau ivre. Mais ce quelqu’un était Gatti.
Lettre de Bersalon – avec un article la Dépêche sur Alcatraz, fait par Mauriès.

14 août 1965

Rédigé scénario Affiche rouge, d’après le découpage de Dante (plus mes propres ajouts). Encore la fascination de l’occup., comme dit Beï.

16 août 1965

Dans l’Express, un article de 29 lignes sur Alcatraz – par quelqu’un qui ne l’a pas, ou, s’il l’a lu, ne l’a pas compris – pour conclure que c’est « un document » plus qu’un roman. Il y a du fiel là-dedans : il n’est pas bon qu’un journaliste « trahisse ».

17 août 1965

Téléphoné à Derogy pour savoir qui a écrit le papier. Il me le dira.

18 août 1965

Sollicité par l’Express (Claude SS), ai refusé.

19 août 1965

Verdict d’Auschwitz : six détentions perpétuelles, onze peines de prison, 3 acquittements.

23 août 1965

Cdf de Michaud – qui a terminé son plan tunisien – et veut me voir. Envoyé scénario à Dante.

24 août 1965

Cdf de Sylvain Sanchez retour d’Italie. Dante s’inquiète de ne rien recevoir. Convoqué par J.P. en son bureau : veut relever le défi de Dassault qui prétend faire son journal Jours de France avec 6 ou 7 types et prépare un quotidien (« 24 heures ») fabriqué de la même façon (A.P.et quelques rédacteurs). « Encore faut-il que les journalistes – dont vous dont j’apprécie le talent – soyez là ». On lui a dit que j’avais un poste fixe ailleurs, au Seuil ou dans une autre maison. J’ai démenti, ça l’a réjoui.
Cdf à Michelette à l’Express. Expliqué combien j’ai été furieux de leur article sur Alcatraz. Elle en parlera à JJ. à dîner, Michaud et sa femme. Son film, « Hamida »…

25 août 1965

Téléphoné à Toussaint qui part pour Percevallière. Le reverrai jeudi. Le triste Pinay, qui brûle d’être président de la République, continue de démentir, puis de revenir sur ses démentis… Guignol. Travaillé « Prétendants » (fusion des deux anciennes nouvelles).

27 août 1965

Le Corbusier se noie à Roquebrune. Chargé de faire papier.
Cdf à Dante à Pianceretto. Il a reçu le texte ce midi. Il a terminé Franco et l’Homme seul. Retéléphonerai avec Sanchez lundi. Clerc me contacte : que m’a dit J.P. ? Que veut-il . Il a peur. Cdf de Chateauneu qui me presse d’agir pour Alcatraz (pour un Prix).

28 août 1965

Cdf de J. Bouise – de passage. Engagé dans le film de Resnais.

29 août 1965

Travaillé Le Corbusier.

30 août 1965

Avec Sanchez, téléphoné à Gatti. 1 h 30 d’attente et de bagarres. Parlé de Manouchian – qu’il a refait. À déjeuner, Chateauneu ravi d’avoir un fils et de préparer son livre. Parlé du mien, de l’effort à faire pour obtenir un Prix ( !), du P.L., etc.

31 août 1965

Travaillé Corbu. Pris de sympathie pour ce mort.

4 septembre 1965

Vu Farran pour un papier mort né. Dit que J.P. rue des quatre fers à cause de la baisse légère de PM (3 % sur 64), propose des idées saugrenues. Lui, Farran, il n’a pas d’ambition ici ; il attend « le Figaro ». Se moque de J.R. Tournoux saisi par la folie des grandeurs.

5 septembre 1965

Parti pour la Bretagne.

12 septembre 1965

Retour Paris.

13 septembre 1965

Au journal. Tous les bureaux sont bouleversés.

14 septembre 1965

Parlé avec Gaston du livre. Il est très pour – toujours. Un peu moins pour la fin. Il y voit une « ouverture pour une œuvre ».
Convoqué par J.P. Il y avait Cartier, Mille, Farran, Thérond. J.P. me demande de faire des papiers sur des faits divers (le 1er de la série étant donné à un Kessel ou à un Troyat « parce que vous n’êtes pas, pas encore, de l’académie Goncourt ». Très frappé par une émission de TV (Marie Curie), il veut qu’on fasse des articles avec la même technique : des séquences brèves, sans liaison, etc.

23 septembre 1965

Lettre de Maufrais à propos d’un livre sur la Guyane d’un commandant Ricatte (« La Vérité sur la mort de R. Maufrais »). Peut-il l’interdire ? Téléphoné à Badinter à ce sujet.

24 septembre 1965

Badinter : transmis les desiderata de Maufrais : pas de Maufrais dans le titre, pas de « mort », laisser planer un doute. Cdf de Diwo : Dumayet de la TV prend Alcatraz pour « Lectures pour tous ».

30 septembre 1965

Cdf de Dante, venu de Pianceretto par Prague, Berlin et Bruxelles. Tout marche, dit-il (Klara et Manouchian). On se voit demain à la lecture de la pièce « Homme seul ». (Quelqu’un à Berlin lisait « Alcatraz ».)

1er octobre 1965

Au bureau pour la première fois depuis… Vu Gaston à son nouveau bureau du 2e (déplacement pour permettre à Courtades de monter au 3e). Vu Diwo, Le Bodo (Alcatraz et Dumayet). Terminé « Une mère de 4 enfants ».6h Musée d’art moderne, 4é biennale de Paris à côté de l’Expo Calder.
Petit Théâtre : lecture par Dante d’Un homme seul, interrompue à peu près au milieu, les organisateurs avaient prévu un autre spectacle ensuite ! Vu Monloup, le mari de Pia Colombo, Monod, Lancelot. Avec Dante ensuite et Odile Versois (engagée dans l’histoire « Manouchian » où elle a déjà perdu des plumes), bu un verre. (En chemise écossaise verte, il a très bien lu, avec les gestes à l’appui, mimant les sentiments essentiels. Un tableau à la craie des personnages, un autre des lieux. Une centaine de personnes fort captivées – puis déçues par l’annonce du renvoi sine die.)

2 octobre 1965

Téléphoné Gatti Chant public. Gatti à dîner, puis répartition du travail (« Klara » pour moi ; scénario « Manouchian » pour lui : découpage, puis travail ensemble). Sa mère malade, craint beaucoup. Danielle : tout lui semble clair. Préfère la situation actuelle (avec Bernard). Va commencer les répétitions de « Sacco et Vanzetti », salle Jean Vilar TNP. Hélène Châtelain arrive le prendre.

5 octobre 1965

Lettre de Chateauneu – affligé du succès de ses articles sur la « baronne poignardée » dans Détective (le tirage monte, un flic destitué, etc). Mais on lui demande un article par semaine à présent.
Premier numéro de « 24 heures », journal de Dassault. Un néant total, irrémédiable.

7 octobre 1965

Cdf de Dante : me demande s’il peut aller à La Route travailler (submergé par les emmerdeurs). On part samedi.

8 octobre 1965

Echec des Russes : Luna VII n’a pas atterri en douceur sur la lune.

9 octobre 1965

A La Route avec Beï, A., et Gatti pris chez lui (1 tricot et 1 cartable).

10 octobre 1965

Brûlé avec Gatti les herbes, tondu le gazon. Au soleil, lu le projet « Clara » – qui devient « Faut-il brûler Kafka ? » (FBK) après modifications. (Gatti à propos de l’élection présidentielle : « Je voterai pour le plus à gauche… de Gaulle »…)

12 octobre 1965

Cdf à Gatti : reviendra vendredi pour voir Dasté (St-Etienne) et repartira avec nous samedi.
Lettre de Maufrais qui a lu le livre de ces « deux salauds » et qui est fou de rage. Répondu. PM : choses et autres. Vu Thérond.

13 octobre 1965

Lu le Maufrais de Renoux-Ricatte. Entrelardé de citations grecques et indiennes. C’est un mauvais livre et une mauvaise action. (Démystifier le père !)
Salon de l’auto, porte de Versailles. Une foule monstrueuse. DS 21, R 16, MG, la nouvelle Rolls.

14 octobre 1965

Visite de JJ et de son amie Simone. Un article pour « Bref » sur Gatti.

16 octobre 1965

Avec Dante et la famille à La Route. Discussion sur la route noire, sous les étoiles nombreuses (on cherchait la comète). Peur de vieillir, dit-il, le moment où on ne pourra plus prendre ce plaisir simple (de faire l’amour). Après dîner, parlé du Manouchian en cours. Suggéré différentes choses : rencontre guinguette Robinson, etc. Peur de vieillir (la vie, ce qu’elle fait des gens ; des vieillards de la campagne, qui ont toujours vécu naturellement sont abominablement tristes pourtant) ; espoir de vies parallèles.

17 octobre 1965

Lézardé avec Dante – à peine un coup de teuf-teuf au gazon.

21 octobre 1965

Terminé FBK. Cdf à La route. Il a stoppé Manouchian pour terminer avec Chaussat un ciné-roman ou photo-roman.
Av. Victor-Hugo chez le général Hallier (père de Jean-Edern Hallier, du Seuil) où reçoit Dominique de Roux et l’Herne : présence fugace et timide de Ezra Pound (80 ans). Le regard est lénifiant mais rusé.

23 octobre 1965

Cdf de Davidson : s’inquiète de ses manuscrits (j’attends l’occasion de les communiquer à Th. De SP), me dit que l’université américaine a refusé le livre de Calder pour des raisons abracadabrantes. S’indigne de ce qui se passe au Viet-Nam. (« S’ils réussissent là, ils feront n’importe quoi ailleurs, à Berlin par exemple ».)
Au château d’Epones (propriété de Max Brusset, beau-père de Dominique de Roux : un incroyable endroit). Déjeuner avec Ezra Pound. Ramené E.P. et sa compagne à 5 h. Une circulation qui n’en finissait pas.

24 octobre 1965

La Route. Dante en train de faire « La Fusée » roman-photo pour le journal de la CGT (des menhirs qui parlent, ayant perdu le secret du couple). Grandes difficultés avec la CGT qui craint qu’on ne comprenne pas… M’explique que Chris ne veut plus le voir, jaloux de le voir offrir une activité à Hélène – activité que rejette Chris depuis toujours. H pourtant l’aime, assure Dante. Lu FBK dans les transats, au soleil. Modifications. Tous rentrés avec Gatti.

25 octobre 1965

Révisé et complété FBK.

26 octobre 1965

Sylvain à la maison avec un magnétophone : dicté FBK. Lu E. Pound.

28 octobre 1965

Sollicité par Farran de me présenter à l’élection du comité d’entreprise. A voir.

30 octobre 1965

Théâtre de Plaisance rue du Château à 15 h. Lecture par Gatti de « La Passion du général Franco » devant un public de l’Union des syndicats. Très bon. Vu Diatto, Hélène Châtelain, Monloup, Lancelot. Discussion ensuite. Intervention de Tollet (de l’ancien CP Libération), et de quelques Espagnols qui critiquent une fin trop pessimiste. En fait, ils l’ont mal comprise.

31 octobre 1965

Cdf matinal d’Edern Hallier émerveillé que le papier passe. Demande si on cite l’Herne – des noms… RV mardi matin.

1er novembre 1965

A New York, un KKK se suicide : le journal révèle qu’il était juif.
Revu les nouvelles. 1) Les Prétendants – 2) Opinel.

2 novembre 1965

Vu Edern Hallier au journal. Parlé ensemble à la « Ferro ». Evoque, à propos d’un athlète de NYHY ( ?), « les juifs qui vous feraient devenir antisémites ». Je lui dis qui je suis. Après, tout très bien.

3 novembre 1965

Vu Henriette (papier Léger), Menant (retour d’Aden), Croizard qui me raconte : il y a 3 mois, Collin, au cours d’une scène avec sa femme, avait donné un coup de pied à une dame qui passait. C’était l’épouse d’un ami de Croizard qui, samedi, revoyant Collin, s’est rué sur lui et l’a boxé abondamment. Collin n’a pas pipé. « Je crois, dit Croizard, que ça lui a fait du bien ».
Cdf de Dante : repart demain pour La Route. FBK adopté par le producteur. L’Affiche rouge : il faut faire le scénario. Rapinat m’invite à entrer au comité d’entreprise ; Menant idem.

4 novembre 1965

Travaillé « Carnets –Force B ».
De Gaulle à la TV. Comme d’habitude : il se représente. Il n’y avait que Guy Mollet, l’Aigle d’Arras, pour croire le contraire. Avec Henriette Chandet, à la maison, revu le papier sur la mère d’un gestapiste jugé à Angers.

5 novembre 1965

À PM avec Henriette Chandet pour l’aider à passer son papier. Entendu dire que Thérond ne serait pas très content de ma candidature au C.E.

7 novembre 1965

Je devais aller avec Stéphane à La Route, mais il est collé, téléphone Danielle. J’y vais seul. Révisé Manouchian derrière lui. Puis déjeuner, puis FBK : quelques modifications à envisager pour le rendre acceptable aux gens du Centre : moins de Kafka, plus de « cœur ». Rentré à 7 h. Gatti de mieux en mieux considéré par La Route : on a parlé de sa lecture de Franco dans l’Huma.

8 novembre 1965

Elections primaires à PM ou conventions pour désigner les candidats au C.E. et à la délégation. Candidats : Martin, Vance, Graziani, Pignot (studio) et moi. Graziani suscité par la bande Lacaze pour empêcher Joffroy de passer. Opération réussie : il me bat de 5 voix. Le nommé Vital avait dans sa poche des paquets de pouvoir venus de partout. Après la séance, il a boxé Vance parce que la candidature de celui-ci risquait de nuire à leur opération.

9 novembre 1965

Toute une journée occupée par les séquelles de l’élection. Appris par Martory que Vital lui avait remis des listes sans mon nom ! Téléphoné Periez : on ne lui avait pas parlé de moi. Décidé de demander l’annulation du scrutin puis, après réunion des délégués sortants, décidé d’envoyer une lettre de protestation – pour ne pas porter préjudice à la Délégation elle-même. Le 30 novembre, il y aura campagne pour faire sauter le nom de Benno et obliger à un deuxième tour.
Eu confirmation par Derogy au téléphone que c’est bien la Giroud qui a fait passer l’article de l’Express sur Alcatraz.

10 novembre 1965

Téléphoné à Chris. Il a le bouquin sur sa table, ne l’a pas lu. L’ai invité à déjeuner demain. Donné ma lettre de protestation aux délégués. Fait ronéoter et distribuer. Bruits : le patron serait furieux contre ceux qui veulent politiser le journal. (Allusion à une démarche des délégués.)
Vu « Le Coup de grâce » de Cayrol et Durand à Publicis avec Vialatte, H. Bodard et Gisèle Charbonnier. M’a plu. Après, avec Cayrol, Durand et les productrices, à la maison de Suède pour discuter. On l’appelle déjà « Le coup de rosé ». Dîné chez Diwo avec un ami à lui des Auberges de jeunesse et sa femme.

11 novembre 1965

Cdf de Chris : ne peut venir. Trouve le film bon. Ne comprend pas l’hostilité ou l’indifférence qui l’entourent.
Allé voir à la fondation Rothschild Chateauneu opéré de la jambe droite. Parlé du Seuil… Embarrassé par l’élection présidentielle. Pense que si Mitterrand passait, ce serait de nouveau la 4e. Nous paraîtrions plus coco sans Mollet (par exemple) que sans De Gaulle (il est assez fort, lui, pour laisser parler les autres).

12 novembre 1965

Au Seuil, vu Chris dans les couloirs – puis Montigny, que j’attaque sur le peu d’enthousiasme pour Alcatraz, qui se défend mal, sottement, craignant que je n’en parle à Flamand… Puis Flamand, qui se défend mieux et consent à partager les torts avec moi (moi, pour avoir fait publier pendant les vacances, lui pour n’y avoir point cru, attendant de moi autre chose, un plus grand bouquin, etc.). Puis, Cayrol et Durand (docu sur le film qui sort lundi). Cocktail pour le livre de Gaston (qu’il m’a offert). En ai acheté un pour Maurice Woignier.

13 novembre 1965

Papier sur le film Cayrol. Cdf du TNP pour un article dans « Bref » sur Sacco et Vanzetti.

14 novembre 1965

Cdf de Dante : il veut que je centralise toutes les copies de « Bref » – que je finisse BFK et Manouchian. Tous les vieux de La Route ont salué son départ, poing levé.

15 novembre 1965

Réunion sur réunion pour le cas Graziani. Avec les délégués, puis avec les photographes pour me faire lâcher le morceau. Quelle psychologie !

16 novembre 1965

Déjeuner avec Buchanan auteur de « Qui a tué Kennedy ? ». Il nous donne un papier nouveau (condensé de 3). Lui ai donné un billet de loterie. Me cite l’exemple d’une femme journaliste mêlée à l’affaire Kennedy qui a été trouvée morte. Craint, en souriant, le même sort.
Nouvelle négociation avec les délégués. Lacaze et la bande ne veulent pas que Graziani renonce. Finalement, il se présentera avec les autres. Mais s’il n’a pas assez de voix, il démissionnera.

17 novembre 1965

Vu Maugé – qui suggère un club des grands reporters de PM, pour résister aux empiètements et diminutions. Vu Bloch Desmorgets, émerveillé de la dédicace que lui a faite Gaston sur son livre « La République nous appelle » et qui tient, portes fermées, à me la dire : A B.D. mon poète préféré, lui qui a su faire de l’étoile jaune, que l’on voulait infamante une gloire – pour effacer toutes ces horreurs ».

egoflash : 17-II-65

18 novembre 1965

Vu Gaston Bonheur en train de signer ses livres. Fera ce qu’il faut auprès de Casals.

21 novembre 1965

Cdf de Davidson : il organise pour le 27 une manifestation devant l’ambassade US contre la guerre du Vietnam. Me demande des noms de Ricains. Je lui donne Buchanan. Re cdf de Dante.

22 novembre 1965

L’élection présidentielle passionne. On parle de la montée étonnante de Lecanuet « excellent à la TV ».

23 novembre 1965

Chez Dante. Vu Bukovi. Révision de FBK, rapide. J.J. là, repart demain. Le TNP donne 18 M à Gatti (décors) sur 40 pour les autres pièces ensemble.

24 novembre 1965

FBK, ajouté une scène (violoncelle). Donné le tout à Sanchez pour tapage.
Sylvain Sanchez vient prendre et recopier le nouveau FBK. Lettre de Ethel Hatch, une des petites amies de Lewis Carroll (à propos de mon article dans Marie-Claire). Elle a au moins 90 ans et me donne des nouvelles du XIXe siècle.)

27 novembre 1965

Cdf de Dante. Uniquement pour me dire que le « Crapaud » a remporté un triomphe au Pérou (il a reçu des coupures de presse). Il est joyeux de voir ce retour des choses et inquiet en même temps de l’avenir : il a des sueurs froides parfois en pensant au 17 janvier. L’ai revigoré.
Rédigé scénario « Temps des cerises ».

29 novembre 1965

Avec Sylvain, enregistré au magnétophone Manouchian (scénario).

30 novembre 1965

Voté en barrant Graziani, Courrière et Grunebaum (comité d’entreprise et délégué de la rédaction). Cdf Le Bolzer : Benno Graziani a 94 voix contre 120-130 aux autres. Pas brillant : cette faiblesse coûtera cher.

1er décembre 1965

Michaux a reçu – et refusé – le Grand Prix des lettres. Gueule des Bauer, Dorgelès, etc. Cdf Le Bolzer : Vital a placé lui-même dans les urnes 10 bulletins. Demandé à faire le pointage.

5 décembre 1965

Voté à 9 h 30 Mitterrand. Du monde. Travaillé Jaccoud.
A 8 h à PM. A 8 h 30, le bruit courait déjà que De Gaulle était en ballottage, ce qui se confirme peu à peu. Tout le monde là. Lacaze inquiet, puis résigné. Mitterrand 2e. Hypothèses : il se retirera (je n’y crois pas du tout). Il doit être content au contraire d’avoir Mitterrand comme adversaire plutôt que Lecanuet.
Cdf de Dante : déposer « Clara » sous mon nom, dit-il. TVB autrement pour Sacco et Vanzetti.

6 décembre 1965

De Gaulle : 44 % – Mitterrand : 31 % – Lecanuet : 15 % – T.V. : 5 %
De Gaulle reste seul avec Mitterrand (les cocos réintégrés dans le circuit).
À la cinémathèque Chaillot pour voir les films Lumière de 2 à 5 h. Langlois, directeur, commentait (et déplorait entre-temps les attaques dont il est l’objet de la part d’un clan où se trouve sans doute le metteur en scène). Films merveilleux. À déjeuner, à midi, au Canter, on parlait encore des élections. Clouzot, assis en face de moi, demandait les journaux dans la rue : « On n’a plus besoin de lui… ». Langlois en parlait aussi.

7 décembre 1965

Terminé papier Jaccoud. Ignorance incroyable de tous : sur le 2e tour, sur le fait que 2 candidats étaient seuls en lice au 2e tour ; la fausseté de tous les pronostics : Marcilhacy, Barbu, TV). Vu des gens hocher la tête en disant : « Il fera un malheur, vous verrez » – et Lacaze qui demandait si de Gaulle resterait après le 1er tour ! C’était ne rien comprendre au personnage…

9 décembre 1965

Monté voir Diwo à 7 Jours. L’échec du grand Charles le réjouit, tous d’ailleurs, Le Bodo, André Roche, etc. On continue de ne parler que de ça – et d’évoquer même un échec au 2e tour.

12 décembre 1965

Cdf de Dante : TVB pour Clara, moins bien pour Manouchian. Les répétitions Sacco-Vanzetti se poursuivent convenablement. Ne vote pas mais m’indique gravement que la fédération anarchiste recommande de ne pas voter.

13 décembre 1965

Rêvé de meurtres (mais j’étais le meurtrier – et quels mensonges !).
Premier cours d’hébreu par M. Attias René, jeune homme brun, originaire du Maroc, ancien élève de l’Ecole normale et des Langues O, présentement étudiant en médecine. Parents en Israël. Me promet l’hébreu en 2 mois (lecture). C’est le rabbin Auraatt qui me l’envoie.

15 décembre 1965

6 h TNP, cherché Dante. Dîné dans un bouis-bouis avec lui, Hélène Châtelain, Lancelot, le conseiller américain Weingarten. Puis répétition dans la nouvelle salle J. Vilar sous l’escalier. 50 personnes, acteurs et auteur assis sur les chaises autour de la salle. Beaucoup de vétérans du gattisme : Monod, Duchicourt, Bénichou, Mme Michaud, etc. Filage de scènes finales. T.B. Au-dessus, on donnait « La Folle de Chaillot ». Pas un mot sur les élections.

17 décembre 1965

Vu Thérond qui me demande, de la part de J.P., de faire un « Clemenceau » pour février (3 ou 4 papiers). Remis à J.J. de Kerdre (TNP) un livre sur les échecs pour Dante – il me l’a demandé pour la pièce : quelque chose à changer.

19 décembre 1965

Election : Beï y va, moi pas. Me fais chercher par la voiture du journal. De là, rue Guynemer chez Mitterrand : je monte avec Le Bailly, mais ne suis pas reçu. M. est battu depuis 8 h. Puis, avec Luizet et Courrière, au cercle républicain, av. de l’Opéra. Vu Derogy… Attente jusqu’à 11 h. Déclaration de Mitterrand, flamboyante. Mais l’homme, en fait, est fini. Retour au journal. Pas de papier. Contrôlé celui de Le Bailly.

22 décembre 1965

Cocktail de fin d’année. Discours grotesque de paternalisme du père Roux qui quitte le journal, enfin. Réponse de J.P. Ensuite, J.P. me saute dessus et m’entretient 10 minutes, puis A. de Courtades, Hervé Mille et Roux. Vu Marie-Laure Prouvost et son fils J.P. (en rouge), flatté par tout le monde. Roux dans son discours : « Vous tous qui parlez de moi comme de papa Roux… « 

25 décembre 1965

Visite à Danielle que je réveille ainsi que Bernard : les deux filles sont vêtues en cow-girls (revolvers au côté et grands chapeaux en tête) – Stéphane chez des amis. Cadeaux. Parlé ensuite en buvant un café : B. songe à passer un mois en Inde ; il continue le chinois (je lui parle de l’hébreu).

28 décembre 1965

Croizard me montre une lettre de Guy Champagne, ancien rédacteur sportif du P.L., datée de Fresnes. Drogué, escroc, il est en prison pour grivèlerie. Il supplie qu’on lui écrive – parle de moi. On répondra. Colin aussi.
Visite de Sylvain (le point sur Clara et le Temps des cerises) et de Weingarten (qui a des documents sur l’affaire Rosenberg ; je lui conseille le Nouvel Observateur).

29 décembre 1965

Avec Le Bolzer au Figaro, passé prendre Galey, Kebus et Périer-Deville. Déjeuner chez Georges, rue Casimir-Delavigne. Parlé de la Société des rédacteurs. Tous trois sympathiques, très peu figaresques. Une voyante, la bouche pleine des Ste-Maries-de-la-Mer, me dit de me méfier des MGM ( ?) et me donne un grain de bonheur, béni sans doute. Parlé avec Périer-Deville de Louis Lecoin, anarchiste, organisateur des manifestations de 1927 pour Sacco et Vanzetti.

30 décembre 1965

Ecrit à J.J. de Kerday au TNP pour faire inviter Lecoin à « Sacco et Vanzetti ».

31 décembre 1965

Vu Gaston. Me parle du projet de J.P. d’un « club » des écrivains de PM qui feraient et les papiers et les livres qu’il publierait. Danger : être mis sur la touche de PM et qu’ils en engagent d’autres.
Jeté ma pipe, mon tabac dans le vide-ordures.